ASSURANCE CHÔMAGE : CE QUE PRÉVOIT L’AVANT PROJET DE LOI « AVENIR PROFESSIONNEL”

 

La réforme de l’assurance chômage est l’un des grands chantiers du Gouvernement.

Si les partenaires sociaux ont conclu un accord national interprofessionnel en date du 22 février 2018, la réforme de l’assurance chômage a franchi une étape supplémentaire avec la publication, par le Ministère du travail, de l’avant-projet de loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel (incluant également un volet sur la réforme de la formation professionnelle, dont les mesures principales ont été présentées dans cet article, et sur la réforme de l’apprentissage).

C’est une seconde version de l’avant-projet de loi qui a été présentée le 6 avril 2018 par la ministre du Travail et transmis au Conseil d’État et aux instances consultatives.

Ce texte sera présenté en Conseil des ministres le 27 avril prochain puis examiné par le Parlement.

La publication de la “loi pour la liberté de choisir son avenir professionnel” est attendue pour début septembre 2018.

L’avant-projet de loi présenté le 6 avril dernier entend rénover l’assurance chômage pour la rendre “plus universelle et plus juste”. Le Gouvernement souhaite créer de nouveaux droits à indemnisation et lutter contre la précarité.

Si l’avant-projet respecte l’essentiel des propositions des partenaires sociaux formulées dans l’ANI du 22 février 2018, il va plus loin en précisant les mesures relatives au contrôle, à l’accompagnement et aux sanctions des demandeurs d’emploi, ainsi qu’à la gouvernance du régime.

Une indemnisation des salariés démissionnaires sous conditions, une allocation d’assurance forfaitaire pour les indépendants, la régulation du recours aux contrats courts, une refonte du contrôle et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi…. 

Zoom sur les principales mesures de l’avant-projet de loi, en matière d’assurance chômage.

 

Indemnisation de certains salariés démissionnaires : le nouveau droit à "l’allocation d’aide au retour à l’emploi projet" 

L’avant-projet de loi consacre, conformément à l’ANI du 22 février 2018, l’indemnisation sous conditions des démissionnaires.

Un droit à “l’allocation d’aide au retour à l’emploi projet” serait en effet créé afin de sécuriser, dans certaines situations, les mobilités professionnelles choisies.

Pour pouvoir percevoir l’allocation de retour à l’emploi projet (Arep), le démissionnaire devrait :

  • remplir une condition « d’activité antérieure », qui devrait être fixée à cinq ans d’après l’avant-projet de loi (contre sept ans dans l’ANI du 22 février 2018)
  • et poursuivre un projet de reconversion professionnelle nécessitant le suivi d’une formation ou un projet de création ou de reprise d’entreprise, ayant un caractère réel et sérieux.

La personne qui envisage de démissionner devra d’abord étudier en priorité les dispositifs permettant une mise en œuvre du projet de reconversion dans le cadre de son contrat de travail.

Si ce projet ne peut être mené à bien sans démissionner, le salarié devra alors demander, préalablement à sa démission, un conseil en évolution professionnelle (CEP) auprès des institutions, organismes ou opérateurs prévus à l’article L.6111-6 du Code du travail, distinct de l’opérateur en charge de l’indemnisation.

Le salarié et cet opérateur formalisent alors le projet de reconversion professionnelle.

L’opérateur du CEP remet au salarié un document comportant une description du projet et du plan d’action envisagé pour sa mise en œuvre.

À l’issue de cette première phase, la commission paritaire instituée au sein du comité régional de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles (Crefop) décidera ou non d’attester du caractère réel et sérieux du projet, sur la base de critères limitatifs établis par l’UNEDIC et des pièces justificatives nécessaires permettant d’objectiver leur effectivité, dont le plan d’action élaboré dans le cadre de l’accompagnement CEP.

La commission vérifie notamment que le projet d’évolution professionnelle répond raisonnablement aux besoins du marché du travail dans le ou les bassins d’emploi identifiés.

Quel que soit son résultat, l’appréciation donne lieu à une attestation formalisée.

  • Si la commission atteste du caractère réel et sérieux du projet, cette attestation ne peut produire d’effet que pour une durée de six mois maximum.
  • Si la commission atteste de l’absence de caractère réel et/ou sérieux, le salarié peut apporter des pièces complémentaires dans le mois suivant la décision de refus et/ou exercer un recours amiable auprès de l’instance paritaire nationale.

Après l’établissement de l’attestation relative au caractère réel et sérieux du projet, et avant le début de la mise en œuvre du projet de reconversion, le salarié doit démissionner, puis s’inscrire comme demandeur d’emploi et déposer un dossier de demande auprès de Pôle emploi.

Pôle Emploi vérifie alors que les conditions du bénéfice de l’AREP sont remplies et, le cas échéant, notifie au démissionnaire l’ouverture de droit à l’AREP.

Le montant et la durée de versement de l’Arep seraient équivalents à ceux en vigueur pour l’allocation d’aide au retour à l’emploi (ARE).

Pendant la mise en œuvre de ses engagements et le versement de l’Arep, l’allocataire est considéré comme n’étant pas disponible pour occuper un emploi.

L’avant-projet de loi prévoit en outre un contrôle et des sanctions spécifiques pour les démissionnaires. Ainsi, Pôle emploi procéderait à un examen systématique de la réalité des démarches de l’intéressé dans les six mois suivant l’ouverture du droit.

Au cours du dernier mois ou au plus tard au cours du 6e mois de mise en œuvre du projet justifiant le versement de l’AREP, un entretien de suivi serait organisé avec un conseiller Pôle emploi pour vérifier la mise en œuvre effective du projet et le respect des engagements pris.

Au terme de cet entretien :

  • soit le projet a été ou est toujours mis en œuvre conformément aux engagements pris, dans ce cas l’allocataire bénéficierait du reliquat de ses droits dans le cadre du droit commun ;
  • soit le projet n’a pas pu être mis en œuvre, pour des raisons non imputables à l’allocataire : il serait alors considéré comme involontairement privé d’emploi et pourrait bénéficier du reliquat de ses droits ;
  • soit le projet n’a pas été pas mis en œuvre, pour des motifs lui incombant : la condition de privation involontaire d’emploi serait alors considérée comme n’étant plus remplie, le versement de  l’allocation serait interrompu et la personne pourrait formuler une demande de versement de son reliquat de droit à l’ARE après demande de réexamen de sa situation auprès de l’instance paritaire régionale compétente, au moins 121 jours après l’interruption du versement de l’allocation.

 

Allocation d’assurance forfaitaire pour les travailleurs indépendants

L’avant-projet de loi va plus loin que l’ANI du 22 février 2018 et détaille le dispositif d’indemnisation des indépendants, distinct de l’assurance chômage des salariés.

Une « allocation d’assurance forfaitaire » serait servie aux travailleurs indépendants qui :

- ont cessé involontairement et définitivement leur dernière activité indépendante du fait :

  • d’un jugement de liquidation judiciaire
  • d’une procédure de redressement judiciaire lorsque l’arrêté du plan de redressement est subordonné par le tribunal au départ du dirigeant
  • d’un divorce ou de la rupture d’un PACS lorsqu’ils bénéficient du statut de conjoint associé

- remplissent une condition d’activité minimale de 2 ans et une condition de bénéfice généré suffisant (le plancher pourrait être fixé à 10 000 € de revenu par an pendant deux années consécutives ou en moyenne sur deux ans) ;

- satisfont une condition de ressources.

Cette allocation d’assurance forfaitaire pourrait être d’un montant de 800 € par mois et versée pour une période fixe de six mois.

Elle sera financée par la contribution sociale généralisée (CSG), dont le taux a connu une hausse de 1,7 point au 1er janvier dernier, et versée par Pôle emploi.

 

Lutte contre la précarité de l’emploi : obligation de négociation de branche et bonus-malus en matière de taux de contribution pour chaque employeur

L’ANI ainsi que le projet de loi prévoient d’imposer aux branches d’établir, d’ici le 31 décembre 2018, un diagnostic des situations de recours aux contrats courts sous toutes leurs formes.

Sur la base de ce diagnostic quantitatif et qualitatif et des spécificités de chaque branche, deux sujets doivent obligatoirement être traités par les négociateurs de branche :

- les mesures permettant de modérer le recours aux contrats courts et d’allonger les durées d’emploi ;

- les mesures relatives à l’organisation du travail et à la gestion de l’emploi.

Le texte prévoit également trois autres thèmes facultatifs que les branches pourront choisir d’aborder :

-   les moyens d’accompagner le développement des compétences des salariés ;

- les moyens de favoriser l’accès à l’emploi durable pour les populations les plus éloignées de l’emploi ;

- les thèmes relatifs aux nouveaux domaines pour lesquels les branches ont une compétence prioritaire de négociation, et notamment les mesures relatives aux contrats à durée déterminée et aux contrats de travail temporaire.

Sur chacun des thèmes abordés, les partenaires sociaux de branches conviennent d’objectifs quantitatifs et qualitatifs mesurables. Ils peuvent proposer des évolutions d’ordre législatif et/ou réglementaire permettant d’atteindre ces objectifs.

Le ministère du Travail a averti que si les mesures issues de l’ensemble des négociations de branche étaient jugées insuffisantes pour lutter contre la précarité de l’emploi et faire progresser l’emploi stable, il appliquera à tous les employeurs un système de bonus-malus sur les cotisations patronales à l’assurance chômage.

La minoration ou majoration du taux de contribution de chaque employeur dépendrait en conséquence :

- du nombre de fins de contrat de travail, à l’exclusion des démissions et sous réserve de l’inscription des personnes concernées par ces fins de contrat sur la liste des demandeurs d’emploi ;

- de la nature du contrat de travail, de sa durée ou du motif de recours à un contrat d’une telle nature ;

- de l’âge du salarié ;

- de la taille de l’entreprise.

Le « taux de ruptures » ainsi obtenu sera comparé soit à un indicateur national, soit à un indicateur sectoriel, et sera lissé sur plusieurs années.

 

Accompagnement et sanction des demandeurs d’emploi

L’avant-projet de loi prévoit plusieurs mesures relatives au renforcement du contrôle et de l’accompagnement des demandeurs d’emploi, ainsi qu’aux sanctions.

- Afin de renforcer l’accompagnement des demandeurs d’emploi, le Gouvernement entend expérimenter un “journal de bord” à compter du 1er juin 2019.

Dans ce journal, les demandeurs d’emploi renseigneront chaque mois leurs actes de recherche.

Ce dispositif a pour objectif d’améliorer l’accompagnement personnalisé des demandeurs d’emploi et d’assurer un suivi en continu de l’intensité de la recherche d’emploi d’après l’exposé des motifs.

L’offre raisonnable d’emploi sera également redéfinie. Elle ne reposera plus sur les critères rigides (nature et caractéristiques de l’emploi recherché, zone géographique privilégiée et niveau de salaire attendu) mais tiendra compte de la situation individuelle de chaque personne et des caractéristiques du marché du travail local.

- Afin d’améliorer le contrôle des demandeurs d’emploi, l’échelle des sanctions en cas de manquement serait modifiée dans un objectif de plus grande efficacité.

Les hypothèses de radiation de la liste des demandeurs d’emploi (article L.5412-1 du Code du travail) serait revue afin d’intégrer la personne :

  • Qui abandonne ou est absent à une action de formation
  • Qui est absent à tout rendez-vous avec les services et organismes du Service Public de l’emploi mentionnés à l’article L.5311-2 du Code du travail, ou mandatés par eux
  • Qui refuse de suivre ou abandonne une action d’aide à la recherche d’une activité professionnelle

Le Gouvernement a également annoncé une forte augmentation du nombre de contrôleurs des chômeurs.

L’administration des sanctions serait enfin confiée pleinement à Pôle emploi.

 

Remplacement de la contribution salariale d’assurance chômage par une fraction de la CSG

L’avant-projet de loi prévoit le remplacement « de manière pérenne » de la contribution salariale d’assurance chômage, supprimée par la loi de financement de la Sécurité sociale (taux réduit de 2,40 % à 0,95 % depuis le 1er janvier 2018, puis à zéro à compter du 1er octobre 2018), par une fraction de la contribution sociale généralisée (CSG), qui serait affecté à l’Unédic dans le cadre des lois financières pour 2019.

Comme indiqué précédemment, cette fraction de la contribution sociale généralisée financera l’indemnisation chômage des travailleurs indépendants.

 

Rôle de l’Etat dans la gouvernance du régime

Selon l’avant-projet de loi, l’État prendrait un rôle plus important au sein de la gouvernance du régime, par la remise aux partenaires sociaux, préalablement aux négociations relatives à l’assurance chômage, d’un document de cadrage précisant :

  • les objectifs de la négociation en ce qui concerne la trajectoire financière ;
  • le délai dans lequel la négociation doit aboutir ;
  • et le cas échéant, les objectifs d'évolution des règles du régime d’assurance chômage.