Le 1er décembre 2023 entrait en vigueur la loi du 29 novembre 2023 portant transposition de l’Accord National Interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise avec en ligne de mire les trois objectifs suivants :
- Faciliter la généralisation des dispositifs du partage de la valeur
- Simplifier la mise en place de dispositifs de partage de la valeur
- Développer l’actionnariat salarié
Récemment, deux décrets d’application du 29 juin et 5 juillet 2024 sont venus préciser la mise en œuvre de la loi « partage de la valeur » du 29 novembre 2023 et viennent donc finaliser la transposition de l’Accord National Interprofessionnel du 10 février 2023 relatif au partage de la valeur au sein des entreprises.
Le cabinet SILEAS vous propose donc une revue de l’ensemble des principaux apports des textes susvisés.
- LES NOUVEAUX DISPOSITIFS DE PARTAGE DE LA VALEUR
La loi du 29 novembre 2023 crée effectivement de nouveaux dispositifs ayant pour objectif de généraliser le partage de la valeur dans toutes les entreprises quelle que soit leur taille.
Les dispositifs varient néanmoins en fonction de l’effectif employé (cf. sociétés employant au moins 11 salariés et au moins 50 salariés).
Sur ce point, le décret n°2024-690 est ainsi venu préciser les modalités de calcul des effectifs. Les seuils de 11 et 50 salariés doivent ainsi être déterminés par application de l’article L.130 1 I du Code de la sécurité sociale à savoir : « L’effectif salarié annuel de l’employeur, y compris lorsqu’il s’agit d’une personne morale comprenant plusieurs établissements, correspond à la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois civils de l’année précédente ».
- Création d’un plan de partage de la valorisation de l’entreprise (PPVE)
Il s’agit d’un dispositif facultatif ouvert à toutes les entreprises et qui permet aux salariés de bénéficier d’une prime dans l’hypothèse où la valeur de l’entreprise a augmenté au cours des trois années suivant la date fixée par l’accord.
Ce PPVE peut être établi par accord avec le personnel selon les mêmes modalités qu’un régime de participation ou d’intéressement et le décret n°2024-644 a précisé qu’il devait ensuite être déposé sur la plate-forme TéléAccords dans les conditions prévues à l’article D.2231-2 du Code du travail.
Ce même décret précise qu’une fois le dépôt effectué, il appartient à l’employeur de de remettre à chaque salarié concerné une fiche d’information au début du plan, distincte du bulletin de paie précisant le montant de référence qui lui est attribué, le cas échéant, les critères de modulation qui lui a été appliqué, la valorisation applicable et bien évidemment les conditions prévues pour bénéficier de la prime à l’expiration du délai de 3 ans.
Le versement des sommes en application du PPVE doit également faire l’objet d’une fiche distincte du bulletin de paie qui précise au salarié le montant de référence qui lui a été attribué, le montant de la prime qui lui a été attribuée, la retenue opérée au titre de la CSG et CRDS et la possibilité d’affectation de ces sommes à un plan d’épargne collective ou retraite.
- Nouvelle obligation de négociation sur le partage de la valeur dans les entreprises d’au moins 50 salariés et pourvues d’un délégué syndical
Les entreprises d’au moins 50 salariés disposant d’au moins un délégué syndical sont désormais soumis à une obligation de négociation sur l’augmentation exceptionnelle des bénéfices et les modalités de partage de la valeur qui en découlent.
La loi du 29 novembre 2023 a en effet précisé que les négociations portant sur l’intéressement et la participation devront également porter sur l’insertion d’une clause spécifique dont l’objet est de définir ce qu’il convient d’entendre par une augmentation exceptionnelle du bénéfice net fiscal et fixer les modalités de partage de la valeur qui en découle.
En pratique, pour la définition de l’augmentation exceptionnelle des bénéfices, les entreprises concernées devront prendre en compte des critères tels que la taille de l’entreprise, le secteur d’activité, la survenance d’une ou plusieurs opérations de rachat d’actions d’entreprise, les bénéfices réalisés lors des années précédentes ou les évènements exceptionnels externes à l’entreprise intervenus avant la réalisation du bénéfice.
- Dispositif expérimental obligatoire de partage de la valeur à compter du 1er janvier 2025 pour les entreprises de 11 à 49 salariés
La loi du 29 novembre 2023 précise que les entreprises de 11 à 49 salariés seront tenues, à compter du 1er janvier 2025, de mettre en place aux moins un des dispositifs suivants : prime de participation, prime d’intéressement, abondement sur un plan d’épargne salariale, prime de partage de la valeur.
Cette obligation ne concerne que les entreprises de 11 à 49 salariés qui :
- Génèrent un bénéfice net fiscal au moins égal à 1% du chiffres d’affaires pendant 3 années consécutives
- N’ont pas le statut d’entreprise individuelle
- Ne sont pas déjà couvertes par un dispositif de partage de la valeur
Cette obligation qui entrera en vigueur le 1er janvier 2025, prendra en compte les année 2022, 2023 et 2024 pour l’appréciation du bénéfice net fiscal réalisé par l’entreprise.
Afin de régler les principales questions sur le sujet, le ministère du travail a publié le 8 juillet dernier un questions/réponses sur cette nouvelle obligation accessible via le lien suivant : https://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/qr_loi_n2023-1107_-_experimentation_e_11_a_49_salaries.pdf
- LES NOUVEAUTES EN MATIERE D’EPARGNE SALARIALE
- Modification du plafond annuel des versements de l’employeur complétant la contribution du salarié à un plan d’épargne d’entreprise (PEE)
Le plafond annuel des versements de l’employeur complétant la contribution du salarié à un plan d’épargne d’entreprise est modifié et fixé à 3.000€ par bénéficiaire et par année civile, contre 8% du plafond annuel de sécurité sociale auparavant. Ce plafond est augmenté à 6.000€ si l'employeur met en œuvre, à la date de versement des primes, ou a conclu un dispositif d'intéressement ou de participation (cf. décret n°2024-644)
- Création de trois nouveaux cas de déblocage anticipé des plans d’épargne entreprise (PEE)
Le décret n°2024-690 créé trois nouveaux cas de déblocage des sommes placées sur un plan d’épargne entreprise qui s’ajoute aux 9 hypothèses qui étaient déjà prévues par le Code du travail (cf. articles L.3324-10, L.3332-25 et R.3324-22 du Code du travail) qui sont les suivants :
- De contribuer à l’achat d’un véhicule utilisant l’électricité, l’hydrogène ou une combinaison des deux comme source exclusive d’énergie (camionnette, voiture, deux ou trois roues, quadricycles à moteur) à, ou un cycle à pédalage assisté neuf
- De les affecter à des travaux de rénovation énergétique de la résidence principale
- De soutenir l’activité de proche aidant exercée par l’intéressé, son conjoint ou un partenaire lié à un pacte civil de solidarité
- Rehaussement du plafond global d’abondement de l’employeur au plan d’épargne d’entreprise (PEE)
Le plafond global des abondements de l’employeur au PEE est rehaussé pour passer de 8 à 16% du plafond annuel de la sécurité sociale en cas d’abondement unilatéral destiné à l’acquisition d’actions de l’entreprise (cf. article R.3332-8 du Code du travail et décret n°2024-690).
- Fixation de la liste des labels des fonds d’épargne verte ou socialement responsable pour les plans d’épargnes salarial ou retraite
La loi partage de la valeur du 29 novembre 2023 impose depuis le 1er juillet 2024, qu’au moins un investissement d’épargne verte ou socialement responsable soit proposé au sein des plans d’épargne salariale ou retraite. Plus précisément, le règlement des plans précités doit proposer l’acquisition « de parts d'au moins un fonds labellisé ou d'un fonds nourricier d'un fonds labellisé au titre du financement de la transition énergétique et écologique ou de l'investissement socialement responsable » (cf. article L.3332-17 du Code du travail).
Le décret n°2024-64 fixe la liste de ces labels :
- Le label « investissement socialement responsable »
- Le label « France finance verte »
- Le label « Relance »
- Le label « Finansol »
- Le label « Comité intersyndical de l'épargne salariale »
- Possibilité de verser deux primes de partage de la valeur au cours d’une année civile et d’affecter ces sommes à un plan d’épargne salariale ou plan d’épargne retraite
Depuis le 1er décembre 2023, la prime partage de la valeur peut être attribuée deux fois par année civile dans la limite des plafonds totaux d’exonération à savoir 3.000€ par an et par salarié ou 6.000€ si l'employeur met en œuvre ou a conclu un dispositif d'intéressement ou de participation, à la date de versement des primes.
La loi prévoit également la possibilité pour les salariés de verser leur prime de partage de la valeur un plan d’épargne salariale ou un plan d’épargne retraite et de bénéficier sur cette somme d’une exonération d’impôt sur le revenu.
A cet égard, le décret n°2024-644 du 29 juin 2024 en vigueur depuis le 1er juillet 2024 a précisé que les salariés qui souhaitent affecter la prime de partage de la valeur à un de ces plans doivent le faire dans un délai maximum de 15 jours à compter de la réception du document les informant du montant qui leur est attribué et dont ils peuvent demander le versement. Cette information doit être faite par l’employeur au moyen d’une fiche distincte du bulletin de paie mentionnant des informations précises (cf. article 1 II du décret n°2024-644).
En outre, l’employeur a également la faculté d’abonder les sommes issues de la prime de partage de la valeur lorsqu’elles sont affectées à un plan d’épargne salariale ou un plan d’épargne retraite.
- Possibilité de recourir à titre volontaire à un accord de participation dérogatoire à la formule légale pour les entreprises de moins de 50 salariés
Pour rappel, les sociétés de moins de 50 salariés ne sont pas obligées de mettre en place un régime de participation.
Jusqu’à la date d’entrée en vigueur de la loi du 29 novembre 2023, les sociétés de moins de 50 salariés qui mettaient volontairement en place un tel régime de participation devaient respecter la formule légale prévue par l’article L.3352-4 du Code du travail.
Désormais, les entreprises de moins de 50 salariés ont la possibilité, de mettre en place un régime de participation qui pourra déroger à la formule légale prévu par l’article L.3352-4 du Code du travail.
- Information des bénéficiaires d’une avance sur intéressement ou sur participation
Le décret n°2024-690 précise que l’accord d’intéressement ou de participation ayant autorisé des avances périodiques sur les fonds issus de l’intéressement ou de la participation doit prévoir les modalités d’information des bénéficiaires portant sur :
- Les conditions de recueil de leur accord. Pour rappel, les salariés doivent expressément consentir au versement de l’avance dans un délai de 15 jours à compter de la réception de la lettre recommandée avec avis de réception ou remise contre récépissé les informant de cette possibilité, sauf stipulation contraire prévue par l’accord (cf. article R.3313-12 du Code du travail).
- L’impossibilité de débloquer le trop-perçu s’il a été affecté à un plan d’épargne salariale ou son reversement intégral sous la forme d’une retenue sur salaire, en l’absence d’une telle affectation (cf. article R.3324-21-1 du Code du travail).
Une fois encore, la somme attribuée au salarié au titre d’une avance sur prime d’intéressement ou de participation doit faire l’objet d’une fiche distincte du bulletin de paie et mentionner des informations précises (cf. article du décret).
Tels étaient les sujets phares de cette loi sur lesquels nous souhaitions attirer votre attention.
Le cabinet SILEAS reste naturellement à votre disposition pour tout complément d’information.
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Loi du 29 novembre 2023 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000048480565
Décret du 29 juin 2024 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049834776
Décret du 5 juillet 2024 : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000049888822