Le projet de loi portant ratification des ordonnances du 22 septembre et 20 décembre 2017 a été adopté par l’Assemblée nationale et le Sénat les 7 et 14 février derniers.
Ce texte, qui fait actuellement l’objet d’une saisine devant le Conseil constitutionnel, donnera valeur législative aux ordonnances d’ores et déjà applicables. (Saisine DC n°2018-761).
Il procède, plus encore, aux derniers ajustements de la réforme d’ampleur initiée l’été dernier. Ce sont ainsi de nombreuses dispositions législatives qui sont précisées, affinées, mais aussi transformées ou supprimées.
Les nombreux employeurs qui se sont déjà saisis - ou qui pourraient être amenés à le faire - du chantier que représente la mise en place du Comité social économique (CSE), institution phare de cette réforme, seront intéressés au premier plan par ces dernières retouches.
Des précisions sur la mise en place et le fonctionnement du Comité social et économique
La mise en place, la structure et le fonctionnement de l’institution sont modifiés par la loi de ratification.
Les dispositions transitoires encadrant la première mise en place du CSE sont ainsi assouplies :
- L’employeur bénéficie d’une possibilité supplémentaire de réduction des mandats des institutions représentatives du personnel (IRP) existantes ;
- Les mandats du premier cycle électoral suivant l’installation du CSE pourront être modulés selon chaque établissement, afin d’obtenir une coïncidence de l’ensemble des mandats de l’entreprise au prochain cycle électoral.
La création de comités social et économique d’établissements et central sont désormais réservés aux entreprises satisfaisant certaines conditions, notamment d’effectif.
La caducité des dispositions relatives aux anciennes institutions représentatives du personnel contenues dans les accords d’entreprise s’appliquera désormais, de manière similaire, à celles contenues dans les accords de branche et ceux couvrant un champ territorial et professionnel plus larges.
Plusieurs dispositions procèdent également à une reprise du droit applicable aux anciennes institutions représentatives du personnel : c’est ainsi qu’est réintroduite la dispense d’organiser des élections partielles en cas d’annulation judiciaire d’élections pour manquement à la représentation équilibrée des hommes et des femmes ; la jurisprudence relative au contenu du règlement intérieur est également incorporée au Code du travail.
Enfin, le fonctionnement du CSE est précisé quant aux modalités de limitation des mandats de ses membres, la périodicité de leurs réunions, leurs droits d’alerte, celui à la formation relative à la santé et la sécurité ainsi que leur présence, dans certains cas, au sein d’une commission nouvellement obligatoire relative aux marchés.
Mise en place et fonctionnement du CSE | ||
Thème | Disposition modifiée | Modification apportée par le projet de loi de ratification |
Dispositions contenues dans les accords collectifs relatives aux anciennes IRP | Caducité des accords de branche et ceux couvrants un champ professionnel ou territorial plus large | A l’instar des dispositions contenues dans les accords d’entreprise, les dispositions relatives aux anciennes IRP contenues dans les accords de branches et accords couvrant un champ territorial ou professionnel plus large deviennent caduques à compter de la date du premier tour des élections des membres du CSE. |
Mise en place | Dispositions transitoires | Alors qu’il n'était pas possible de le faire auparavant, l’employeur peut réduire d’un an maximum, par accord collectif ou décision unilatérale, les mandats des IRP mis en place via un protocole d’accord postérieur au 23 septembre 2017 et arrivant à échéance en 2019, en vue d’avancer la mise en place du comité social économique. |
Dispositions transitoires | Lorsque les IRP de l’entreprise ou des établissements de la même entreprise doivent se renouveler à des échéances différentes, l’employeur peut, par accord collectif ou décision unilatérale, faire coïncider l'échéance des mandats pour une mise en place simultanée du CSE dans chaque établissement.
Le projet de loi précise que pour le premier cycle électoral suivant l'installation du CSE, l’employeur peut par accord ou décision unilatérale fixer des durées de mandats différentes pour chaque établissement distinct, en vue d’obtenir une coïncidence des mandats de manière échelonnée dans le temps, par exemple au cycle électoral suivant celui de la première mise en place du CSE. | |
Elections partielles | Dispense d’organiser des élections
(Article L.2314-10 modifié du Code du travail) | Reprise, dans le dispositif du CSE, de la dispense d’organiser des élections partielles prévue en cas d'annulation d'élections par le juge judiciaire pour manquement à la représentation équilibrée des hommes et des femmes, dispense déjà prévue auparavant pour les élections DP et CE. |
Mandats | Limitation à trois du nombre de mandats successifs
(Article L.2314-33 modifié du Code du travail) | Les entreprises de plus de 300 salariés ne peuvent plus déroger, même par Protocole d’accord préélectoral, à la limitation de trois mandats successifs.
La limitation à trois mandats successifs a par ailleurs été étendue aux membres du CSE central d'entreprise et d’établissements, sauf dans les entreprises de moins de 50 salariés et celles entre 50 et 300 salariés dont le PAP aurait dérogé à cette limitation. |
Règlement intérieur | Contenu du règlement intérieur
(Article L.2315-24 modifié du Code du travail) | Sauf accord de l’employeur, qui constituerait alors un engagement unilatéral pouvant être dénoncé, un règlement intérieur ne pourra pas comporter d’obligation non prévue par la loi. |
Droit d’alerte | Introduction dans les entreprises de plus de 11 et de moins de 50 salariés
(Article L.2312-5 modifié du Code du travail) | Les membres de la délégation du CSE dans ces entreprises (équivalents des délégués du personnel actuels) se voient attribuer un droit d’alerte :
- En cas d’atteinte aux droits des personnes, à leur santé physique et mentale ou aux libertés individuelles - En cas de danger grave et imminent, de risque grave pour la santé publique ou l’environnement. |
Réunions | Périodicité des réunions du CSE dans les entreprises de plus de 50 salariés
(Article L.2315-27 modifié du Code du travail) | A défaut d’accord fixant la périodicité des réunions du CSE, les entreprises ne devront le réunir : - Que tous les deux mois pour les entreprises dont l’effectif est compris entre 50 et 299 salariés (Et non tous les mois comme auparavant).
- Tous les mois pour les entreprises dont l’effectif est d’au moins 300 salariés. |
Formation santé et sécurité des membres | Ouverture du droit à la formation à tous les membres du CSE
(Article L.2315-18 modifié du Code du travail) | Dans les entreprises pourvues de la Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT), l’ensemble des membres du CSE - et non plus les seuls membres de la CSSCT- bénéficieront des formations relatives à la santé, sécurité et conditions de travail et non plus les seuls membres de la CSSCT. |
Commission des marchés | Réinstauration de l’obligation de création de la commission des marchés
(Articles L.2315-44-1 et suivants modifiés du Code du travail) | Dans les CSE remplissant les conditions actuellement applicables aux Comité d’entreprise pour en compter une, une commission des marchés doit obligatoirement être créée.
Auparavant, la création de cette commission pouvait être écartée par accord, ce qui n’est plus le cas. |
Création de CSE d’établissements et de CSE central | Instauration d’un seuil d’effectif
(Article L.2313-1 modifié du Code du travail) | La constitution de CSE d’établissements et de CSE central est désormais réservée aux entreprises comportant au moins deux établissements distincts et comptant un effectif d’au moins 50 salariés. |
Encadrement et précisions sur les recours aux expertises par le CSE
La loi de ratification introduit deux nouvelles obligations de prise en charge des coûts d’expertises à 100% par l’employeur :
- Dans le cas d’une défaillance budgétaire du CSE qui souhaiterait faire mener des expertises relatives aux orientations stratégiques et autres consultations ponctuelles ;
- En cas d’absence d’indicateur relatif à l’égalité Homme/Femme renseigné dans la Base de Données Economiques et Sociales (BDES) d’entreprises de plus de 300 salariés.
Les possibilités de choix de l’expert par le comité social et économique sont également modifiées pour les expertises relatives à l’introduction de nouvelles technologies ou l’égalité professionnelle. De même, les délais réglementaires dans lesquels les rapports des experts doivent être remis deviennent supplétifs.
Expertises du CSE (Article 6 de la loi de ratification) | |
Disposition modifiée | Modification apportée par le projet de loi de ratification |
Elargissement des cas de prise en charge à 100% des expertises par l’employeur
(Articles L.2315-61 et L.2315-80 modifié du Code du travail) | Les expertises normalement prises en charge à hauteur de 80% par l’employeur (Orientations stratégiques, consultations ponctuelles sauf exception) pourront l’être à titre intégral lorsque le budget de fonctionnement du CSE : - Est insuffisant pour couvrir le coût de l’expertise ; - N’a pas donné lieu à un excédent annuel au cours des trois années précédentes.
Dans ce cas, le comité social et économique ne pourra pas décider de transférer d’excédents du budget de fonctionnement au financement des activités sociales et culturelles pendant les trois années suivantes. |
Délais de remise des rapports par les experts
(Article L.23145-83 modifié du Code du travail) | Les délais maximaux réglementaires dans lesquels devront rendre leur rapport les experts du CSE ne s’appliqueront désormais qu’à défaut d’accord conclu entre l’employeur et la majorité des élus titulaires du CSE. |
Egalité Hommes Femmes
(Article L.2315-96 appelé à devenir L.2315-94; L.2315-80 modifié du Code du travail) | En l’absence de renseignement d’indicateur relatif à l’égalité Hommes/Femmes dans la Base de Données Economiques et Sociales, l’employeur devra supporter intégralement le coût des expertises prévues pour les CSE des entreprises d’au moins 300 salariés pour préparer cette négociation. |
Recours à un expert habilité et non plus technique
(Article L.2314-94 modifié du Code du travail) | Seul le recours à un expert habilité sera désormais possible pour les consultations du CSE en cas d’introduction de nouvelles technologies ou en vue de préparer la négociation sur l’égalité professionnelle. |
Extension du périmètre de l’expertise demandée par le CSE dans le cadre d’un licenciement économique de plus de 10 salariés
(Article L.1233-34 modifié du Code du travail) | En cas de licenciement de plus de 10 salariés dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’expertise demandée par le CSE pourra désormais porter non seulement sur les domaines économiques et comptables, les effets potentiels du projet, les conditions de travail mais également sur la santé et la sécurité des salariés. |
Modifications importantes des règles relatives au budget du comité social et économique
Les règles relatives au budget du comité social économique sont remaniées et étoffées :
- Les subventions de fonctionnement et la contribution patronale aux activités sociales et culturelles voient leur assiette et règles de calcul modifiées ;
- Le comité social et économique ne peut plus transférer l’intégralité des excédents annuels de son budget de fonctionnement vers celui des activités sociales et culturelles, mais peut désormais consacrer une partie de son budget à la formation des représentants de proximité.
Règles relatives au budget (Article 6 de la loi de ratification) | |
Disposition modifiée | Modification apportée par le projet de loi de ratification |
Calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles
(Articles L.2312-83 et L.2315-61 modifiés du Code du travail) | Les sommes versées au titre de la participation et de l’intéressement sont désormais exclues de la masse salariale servant au calcul de la subvention de fonctionnement et de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles du CSE. |
Fixation de la contribution patronale aux activités sociales et culturelles
(Article L.2312-81 modifié du Code du travail) | A défaut d’accord, le rapport de cette contribution à la masse salariale brute ne pourra être inférieur au même rapport existant pour l’année précédente.
La règle a donc été simplifié dans la mesure où il a été supprimé la référence à un minimum légal correspondant au « total le plus élevé des sommes affectées aux dépenses sociales de l'entreprise atteint au cours des trois dernières années précédant la prise en charge des activités sociales et culturelles par le comité, à l'exclusion des dépenses temporaires lorsque les besoins correspondants ont disparu. » |
Affectation d’une partie du budget à la formation des représentants de proximité
(Article L.2315-61 modifié du Code du travail) | Le comité social économique pourra désormais consacrer une partie de son budget à la formation de ces représentants, venus en compensation de la disparition des délégués du personnel. |
Modification du taux de subvention du budget de fonctionnement
(Article L.2315-61 modifié du Code du travail) | Il est désormais fixé à 0,20% de la masse salariale brute dans les entreprises de 50 à moins de 2000 salariés, et non plus jusqu’à 2 000 salariés.
De cette manière, le taux de 0.22% s’applique donc à compter de 2 000 salariés. |
Limitation de la possibilité de transfert des excédents annuels de fonctionnement sur le budget des activités sociales et culturelles
(Article L.2315-61 modifié du Code du travail) | Alors qu'il était initialement prévu que le CSE pouvait transférer l’ensemble des excédents annuels de son budget de fonctionnement à celui des activités sociales et culturelles, la loi de ratification vient limiter cette possibilité à « une partie » de ces excédents, qui sera précisée par décret. |