La journée de solidarité correspond à une journée supplémentaire de travail non rémunérée effectuée chaque année par les salariés.
Instaurée par la loi n°2004-626 du 30 juin 2004, elle est la contrepartie de la contribution solidarité autonomie due par les entreprises et assure le financement des actions en faveur de l’autonomie des personnes âgées ou handicapées (C. trav., art. L. 3133-7).
La journée de solidarité devait à l’origine être nécessairement positionnée le lundi de Pentecôte.
Les dispositions ont été assouplies par la circulaire DRT n°14 du 22 novembre 2005 et par la loi du 16 avril 2008, supprimant toute référence à cette date.
Qui est concerné par la journée de solidarité ?
Comment fixer les modalités de mise en place de cette journée en 2018 ?
A quelle date la positionner ?
Quelles sont les conséquences de cette journée sur la durée du travail et la rémunération ?
Le point sur les modalités et incidences pratiques de ce dispositif.
1) QUI EST CONCERNÉ PAR LA JOURNEE DE SOLIDARITE ?
CHAMP D’APPLICATION GÉNÉRAL
Cette journée de travail non rémunérée s’applique à :
- l’ensemble des salariés du secteur privé, à temps plein ou à temps partiel, y compris les catégories particulières : assistants maternels, VRP, journalistes, travailleurs à domicile, concierges, employés de maison, etc. ;
- les salariés du secteur agricole.
Concernant les salariés et les apprentis de moins de 18 ans :
- Si la journée de solidarité est fixée un jour férié, ils n’auront pas à l’effectuer (Circ. DRT nº 2004/10 ; CE, 6 septembre 2006, nº 281711). En effet, les mineurs ne peuvent pas être employés les jours fériés légaux, sauf dérogations pour certains secteurs (C. trav., art. L. 3164-6 à L. 3164-8).
- Si la journée de solidarité est fixée un jour non férié, il appartiendra aux partenaires sociaux, ou à défaut d’accord à l’employeur, de se prononcer sur les conditions dans lesquelles ces jeunes salariés effectueront cette journée (Circ. DRT nº 2004/10).
Les stagiaires n’ayant pas la qualité de salarié, ils sont dispensés de la journée de solidarité.
CAS PARTICULIERS
Si le salarié est en congés payés, congé maladie ou maternité le jour fixé dans l’entreprise pour la journée de solidarité, celle-ci n’est pas reportée à une autre date pour ce salarié.
Si le salarié est employé à temps partiel par plusieurs employeurs, il doit effectuer la journée de solidarité chez chacun, au prorata de sa durée contractuelle de travail.
Si le salarié a simultanément une activité à temps plein et une à temps partiel, la journée de solidarité s’effectue dans l’entreprise où s’exerce le temps plein (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
Si un salarié est mis à disposition d’une entreprise utilisatrice dans le cadre d’une prestation de services (gardiennage, restauration, entretien…), il doit effectuer la journée de solidarité à la même date que le personnel de l’entreprise utilisatrice.
Dès lors qu’il a accompli ces sept heures, il est ensuite dégagé de cette obligation s’il travaille en cours d’année au sein de plusieurs autres entreprises utilisatrices. La même solution s’applique aux travailleurs temporaires.
Le salarié embauché en cours d’année est astreint à la journée de solidarité comme les autres salariés, sans bénéficier d’une quelconque proratisation en fonction de sa durée de présence sur l’année. Toutefois, si la journée de solidarité a été fixée à une date antérieure à son arrivée, il est dégagé de cette obligation.
Il en est de même si la date de la journée de solidarité est postérieure à son arrivée, mais qu’il a déjà exécuté une journée de solidarité chez son ancien employeur au titre de l’année en cours. Dans ce cas, le salarié peut refuser de travailler ce jour-là sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement (article L.3133-10 du Code du travail).
S’il accepte de s’acquitter d’une nouvelle journée de solidarité chez son nouvel employeur, les heures effectuées doivent être rémunérées. Par ailleurs, elles s’imputent sur le contingent annuel d’heures supplémentaires (ou complémentaires en cas de temps partiel) et donnent lieu à contrepartie obligatoire sous forme de repos (C. trav., art. L. 3133-10).
2) COMMENT FIXER LA JOURNEE DE SOLIDARITE ?
PAR ACCORD COLLECTIF
Les modalités d’accomplissement de cette journée sont fixées par accord d’entreprise ou d’établissement, et à défaut, par convention ou accord de branche (C. trav., art. L. 3133-11).
C’est donc prioritairement au niveau de l’entreprise ou de l’établissement que sont négociées les modalités de la journée de solidarité, les stipulations de l’accord de branche n’étant applicables qu’à défaut d’accord d’entreprise organisant cette journée.
Cet accord précise clairement la journée retenue comme journée de solidarité et ne peut en aucun cas se borner à renvoyer à l’employeur le soin d’en décider unilatéralement (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
Il est recommandé de préciser, par le biais de cet accord, outre le jour choisi pour effectuer la journée de solidarité, les incidences de cette journée sur la durée du travail, la rémunération, les contrats de travail et de prévoir les cas particuliers (salariés ayant changé d’employeurs, jeunes travailleurs, etc.).
A DÉFAUT, PAR DÉCISION DE L’EMPLOYEUR
Ce n’est qu’en l’absence de stipulations conventionnelles (accord d’entreprise ou, à défaut, de branche) fixant les modalités de la journée de solidarité que l’employeur peut définir unilatéralement celles-ci, après consultation du comité social et économique (CSE) (C. trav., art. L. 3133-12 modifié).
Dans les entreprises qui ne sont pas encore dotées de CSE, l’employeur doit consulter le Comité d’entreprise ou, à défaut, les délégués du personnel.
3) QUEL JOUR POSITIONNER LA JOURNEE DE SOLIDARITE ?
La loi n’impose plus de fixer la journée de solidarité le lundi de Pentecôte.
L’accord collectif (ou à défaut de stipulation conventionnelle, l’employeur) peut fixer la journée de solidarité (C. trav., art. L. 3133-11, al. 2) :
- soit un jour férié précédemment chômé dans l’entreprise autre que le 1er mai (qui est le seul jour légalement férié et chômé d’après l’article L.3133-4 du Code du travail) ;
- soit un jour de repos accordé au titre d’un accord d’aménagement du temps de travail conclu en application de l’article L.3121-44 du Code du travail ;
- soit selon toute autre modalité permettant le travail de sept heures précédemment non travaillées en application de stipulations conventionnelles ou des modalités d’organisation des entreprises par exemple un jour de RTT, un samedi ou un jour de congé conventionnel (congé d’ancienneté, par exemple).
Concernant les jours de RTT, lorsqu’ils sont attribués sur l’année, les jours à l’initiative du salarié ne sont par définition pas programmés et donc la date précise du jour de RTT choisi pour effectuer la journée de solidarité ne peut pas être fixée à l’avance.
A l’inverse, la date d’accomplissement de la journée de solidarité peut être fixée à la place de l’un des jours de RTT programmé à l’initiative de l’employeur (Circ. DRT, 20 avril 2005).
En revanche, la journée de solidarité ne peut être accomplie par :
- la suppression d’un jour de congé payé légal (Cass. soc., 15 janvier 2014, nº 11-19.974).
Le salarié peut tout à fait poser un jour de congé payé ou un jour de RTT le jour fixé pour la journée de solidarité sans que l’employeur ne puisse exiger que ce salarié revienne effectuer la journée de solidarité pendant ses congés
- la suppression d’un jour de pont rémunéré prévu par un accord collectif (Cass. soc., 12 juin 2013, nº 10-26.175) ;
- la suppression d’une contrepartie obligatoire en repos ou d’un repos compensateur de remplacement, ceux-ci ne pouvant être assimilés à un jour précédemment non travaillé (Circ. DRT, 20 avril 2005) ;
- le travail d’un dimanche.
Précisons que si le jour férié retenu pour la journée de solidarité tombe un dimanche, la règle du repos dominical prévaut : le salarié ne pourra pas effectuer sa journée de solidarité ce jour-là (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
La date fixée pour la journée de solidarité est en principe identique pour tous les salariés de l’entreprise.
L’employeur peut individualiser la journée de solidarité :
- en cas d’aménagement du temps de travail dans le cadre duquel les salariés bénéficient de repos par roulement (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
- dans les entreprises ouvertes toute l’année et celles fonctionnant en continu (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
- pour chaque salarié à temps partiel, dans la mesure où le ou les jours habituellement non travaillés par eux peuvent ne pas correspondre à la même journée (Circ. DRT, 20 avril 2005).
4) QUELLE EST LA DURÉE DE LA JOURNEE DE SOLIDARITE ?
L’article L.3133-8 du Code du travail fixe la durée de la journée de solidarité à :
- 7 heures pour les salariés à temps plein
- une durée proratisée en fonction du nombre d’heures fixé par le contrat de travail pour les salariés à temps partiel
- une journée de travail pour les salariés en convention de forfait-jours
Le fractionnement de la journée de solidarité en tranches horaires est autorisé dès lors qu’il est effectif et correspond à un travail supplémentaire de sept heures par an correspondant à l’effort qui est exigé au nom de la solidarité nationale (Circ. DRT nº 14, 22 novembre 2005 ; v. CE, 6 septembre 2006, nº 281711).
L’accord collectif (ou, à défaut d’accord, l’employeur) doit prévoir les modalités du fractionnement pour les salariés placés dans une « situation particulière » (temps partiel, forfait-jours ou forfait-heures, etc.) (Circ. DRT nº 14, 22 novembre 2005).
5) QUELS SONT LES EFFETS DE LA JOURNEE DE SOLIDARITE SUR LA DURÉE DU TRAVAIL ?
Les heures correspondant à la journée de solidarité (C. trav., art. L. 3133-9) :
- ne sont pas qualifiées d’heures supplémentaires
- ne s’imputent pas sur le contingent annuel d’heures supplémentaires (ni sur le nombre d’heures complémentaires prévu au contrat pour le salarié travaillant à temps partiel)
- ne donnent pas lieu à contrepartie obligatoire sous forme de repos .
L’accomplissement de la journée de solidarité ne peut avoir pour effet d’entraîner un dépassement de la durée hebdomadaire maximale absolue de 48 heures (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004)
Le fractionnement de la journée de solidarité est dépourvu d’incidence sur le régime juridique des heures effectuées au titre de la journée de solidarité (Circ. DRT nº 14, 22 novembre 2005).
A contrario, celles accomplies au-delà de sept heures suivent, le cas échéant, le régime des heures supplémentaires (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
6) QUELS SONT LES EFFETS DE LA JOURNEE DE SOLIDARITE SUR LA RÉMUNÉRATION ?
Pour les salariés mensualisés, le travail de la journée de solidarité ne donne pas lieu à rémunération, sous réserve de ne pas dépasser sept heures (limite réduite proportionnellement à la durée contractuelle pour les salariés à temps partiel) ou une journée de travail pour les salariés en forfait annuel en jours (C. trav., art. L. 3133-8).
En revanche, les heures effectuées au-delà de ces limites sont rémunérées (et majorées pour les heures supplémentaires).
Le fait que cette journée de solidarité tombe un jour férié est sans incidence : le salarié ne percevra pas de supplément de rémunération au titre du jour férié travaillé.
Pour les salariés non mensualisés (travailleurs temporaires, saisonniers, intermittents et travailleurs à domicile), ils doivent être normalement rémunérés pour le travail effectué lors de la journée de solidarité (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
Dans tous les cas, il est conseillé de faire apparaître clairement la journée de solidarité sur le bulletin de paie, afin d’apporter la preuve qu’elle a été effectuée (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
7) QUELS SONT LES SANCTIONS DU SALARIÉ N’EFFECTUANT PAS LA JOURNEE DE SOLIDARITE ?
Le salarié qui refuse d’effectuer la journée de solidarité s’expose à des sanctions disciplinaires.
Attention toutefois, les salariés à temps partiel disposent d’une possibilité de refus dès lors que la date est incompatible avec des obligations familiales impérieuses, le suivi d’un enseignement scolaire ou supérieur, une période d’activité fixée chez un autre employeur ou une autre activité professionnelle non salariée (Circ. DRT nº 2004/10, 16 décembre 2004).
De même, les salariés embauchés en cours d’année qui a déjà exécuté une journée de solidarité chez son ancien employeur au titre de l’année en cours peut refuser d’effectuer une nouvelle journée de solidarité sans que ce refus constitue une faute ou un motif de licenciement (article L.3133-10 du Code du travail).
Dans les autres hypothèses, en cas d’absence injustifiée lors de la journée de solidarité, l’employeur peut pratiquer une retenue sur salaire (Circ. DRT, 20 avril 2005) lorsque la journée de solidarité est fixée un jour férié précédemment chômé pour lequel le salarié aurait été payé par l’effet de la mensualisation (Cass. soc., 7 avril 2010, nº 08-40.658).
A contrario, si la journée de solidarité coïncide avec un samedi ou un jour habituellement non travaillé qui ne donne pas lieu à rémunération supplémentaire, toute retenue salariale semble proscrite.