L’égalité entre les femmes et les hommes constitue l’une des préoccupations majeures du Gouvernement.
En effet, dès le mois d’octobre 2017, le Ministère du Travail avait publié un guide pratique de l’égalité entre les femmes et les hommes (http://travail-emploi.gouv.fr/IMG/pdf/guide_egalite_web.pdf).
S’est ensuite engagée une concertation avec les syndicats et le patronat, à compter du 7 mars 2018, à l’issue de laquelle Muriel Pénicaud, ministre du Travail, et Marlène Schiappa, secrétaire d’Etat à l’égalité entre les femmes et les hommes, ont présenté, le 9 mai dernier :
- 10 actions pour lutter contre les inégalités salariales
- 5 actions pour lutter contre les violences sexistes et sexuelles.
Celles-ci donneront lieu à 14 amendements au projet de loi Avenir professionnel, à deux mesures réglementaires, à la définition d’une méthodologie commune de mesure des écarts salariaux et à l’élaboration de deux nouveaux guides pratiques.
Il convient de rappeler que les femmes gagnent toujours 9 % de moins que les hommes à poste de valeur égale et 25% en moyenne de moins que les hommes tous postes confondus.
L’occasion de rappeler les obligations actuelles des employeurs en matière d’égalité professionnelle mais également de présenter les leviers d’actions souhaités par le Gouvernement pour l’avenir.
LES OBLIGATIONS EN VIGUEUR EN MATIÈRE D'ÉGALITÉ FEMMES - HOMMES
Quelle que soit leur taille, les entreprises doivent respecter les principes d’égalité professionnelle et de non-discrimination en raison du sexe, inscrits dans la Constitution française et dans de nombreux textes légaux, nationaux, européens et internationaux.
PRINCIPE DE NON DISCRIMINATION
Le principe de non discrimination interdit à tout employeur de prendre une décision (embauche, salaire, sanction…) en considération de certains éléments inhérents à la personne du salarié.
Les différences de traitement liées au sexe sont considérées comme un délit et sont punies au plan civil et pénal (articles L. 1132-1 et L. 1142-1 du Code du travail, articles 225-1 à 225-4 du Code pénal).
Plus précisément, il est interdit de :
- faire mention du sexe du candidat recherché dans une offre d'emploi,
- refuser d'embaucher une personne, prononcer une mutation, résilier ou refuser de renouveler le contrat de travail d'un salarié en considération du sexe,
- prendre en considération du sexe toute mesure, notamment en matière de rémunération, de formation, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle ou de mutation.
Toute clause d’une convention collective ou du contrat de travail réservant le bénéfice d'une mesure à un ou plusieurs salariés en raison du sexe serait considérée comme nulle.
1° A la protection de la grossesse et de la maternité, prévues aux articles L. 1225-1 à L. 1225-28 ;
2° A l'interdiction d'emploi prénatal et postnatal, prévues à l'article L. 1225-29 ;
3° A l'allaitement, prévues aux articles L. 1225-30 à L. 1225-33 ;
4° A la démission de la salariée en état de grossesse médicalement constaté, prévues à l'article L. 1225-34 ;
5° Au congé de paternité et d'accueil de l'enfant, prévues aux articles L. 1225-35 et L. 1225-36 ;
6° Au congé d'adoption, prévues aux articles L. 1225-37 à L. 1225-45.
De plus, la loi autorise l'intervention de mesures temporaires prises au seul bénéfice des femmes visant à établir l'égalité des chances entre les femmes et les hommes, en particulier en remédiant aux inégalités de fait qui affectent les chances des femmes.
EGALITE DE REMUNERATION
L’employeur a l’obligation d’appliquer le principe “à travail égal, salaire égal”, résultant tant de la jurisprudence (Cass Soc 29 oct 1996 n°92-43.680 notamment) que du Code du travail (articles L.3221-2 et suivants).
Ce principe signifie que tout employeur assure, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, l'égalité de rémunération entre les femmes et les hommes.
Sont considérés comme ayant une valeur égale, les travaux qui exigent des salariés un ensemble comparable de connaissances professionnelles consacrées par un titre, un diplôme ou une pratique professionnelle, de capacités découlant de l'expérience acquise, de responsabilités et de charge physique ou nerveuse (article L3221-4 du Code du travail).
Ainsi, les différents éléments composant la rémunération doivent être établis selon des normes identiques pour les deux sexes (catégories, critères de classification et de promotion, bases de calcul de la rémunération, modes d'évaluation des emplois).
Il convient de souligner que les disparités de rémunération entre les établissements d'une même entreprise ne peuvent pas, pour un même travail ou pour un travail de valeur égale, être fondées sur l'appartenance des salariés de ces établissements à l'un ou l'autre sexe (article L.3221-5 du Code du travail).
OBLIGATION DE NÉGOCIATION SUR L'ÉGALITÉ HOMMES ET FEMMES
L'employeur est tenu, dans le cadre de la négociation collective obligatoire d'entreprise, d'aborder les questions relatives à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes.
En effet, dans les entreprises où sont constituées une ou plusieurs sections syndicales d'organisations représentatives, l'employeur engage annuellement une négociation sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, portant notamment sur les mesures visant à supprimer les écarts de rémunération, et la qualité de vie au travail (articles L.2242-1 et L.2242-17 du Code du travail).
La négociation annuelle sur l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes et la qualité de vie au travail porte notamment sur :
- L'articulation entre la vie personnelle et la vie professionnelle pour les salariés ;
- Les objectifs et les mesures permettant d'atteindre l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment en matière de suppression des écarts de rémunération, d'accès à l'emploi, de formation professionnelle, de déroulement de carrière et de promotion professionnelle, de conditions de travail et d'emploi, en particulier pour les salariés à temps partiel, et de mixité des emplois.
- Les mesures permettant de lutter contre toute discrimination en matière de recrutement, d'emploi et d'accès à la formation professionnelle ;
Si cette négociation n'aboutit pas à la conclusion d'un accord, l'employeur doit établir un plan d'action destiné à assurer l'égalité professionnelle entre les sexes, sous réserve d'avoir préalablement consulté et recueilli l'avis du comité d'entreprise, ou, à défaut, des délégués du personnel (article L.1143-2 du Code du travail).
Attention, en l'absence d'accord relatif à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes ou, à défaut d'accord,en l’absence de plan d'action, l’employeur d’une entreprise d'au moins cinquante salariés sera soumis à une pénalité financière au maximum égale à 1% de la masse salariale (article L.2242-8 du Code du travail).
OBJECTIFS EN MATIERE D’EGALITE PROFESSIONNELLE
Dans les entreprises dépourvues de délégué syndical ou non soumises à cette obligation de négocier ou non couvertes par un accord de branche étendu relatif à l'égalité femmes-hommes, l'employeur est tenu de prendre en compte les objectifs en matière d'égalité femmes-hommes et les mesures permettant de les atteindre (article L1142-5 du Code du travail).
PROHIBITION DE TOUT AGISSEMENT SEXISTE
Aucun salarié ne doit subir d'agissement sexiste, défini comme tout agissement lié au sexe d'une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant (article L1142-2-1 du Code du travail).
L’employeur, au titre de son obligation de sécurité de résultat, doit veiller à l’application de ce texte, notamment en sanctionnant les auteurs de tels agissements.
INFORMATION DES SALARIÉS SUR LA RÉGLEMENTATION APPLICABLE
L’article L1142-6 du Code du travail dispose que l’employeur doit porter par tout moyen à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail, ainsi qu’aux candidats à l’embauche les textes relatifs à l’égalité de rémunération femmes-hommes et à l’interdiction des discriminations.
PISTES AVANCÉES PAR LE GOUVERNEMENT POUR L’AVENIR EN MATIÈRE D'ÉGALITÉ FEMMES - HOMMES
EN MATIÈRE D'ÉGALITÉ SALARIALE ENTRE LES FEMMES ET LES HOMMES
→ L’égalité salariale entre les hommes et les femmes deviendra une obligation de résultat
Afin d’élaborer des critères objectifs de calcul des écarts de salaire, une méthodologie commune (indicateur chiffré et anonymisé) sera déployée dans toutes les entreprises de plus de 50 salariés : dès le 1er janvier 2019 pour les entreprises de plus de 250 salariés, et au 1er janvier 2020 pour les entreprises entre 50 et 250 salariés.
Les modalités de mise en œuvre de cette méthodologie commune devraient être définis en juin 2018.
Une phase de test sera mise en œuvre en septembre 2018.
Si les écarts perdurent, l’entreprise devra consacrer une enveloppe de rattrapage salarial.
Celle-ci est à négocier dans le cadre de la négociation relative à l’égalité professionnelle et à la qualité de vie au travail.
En cas de non-conformité persistante en 2022, des sanctions pourraient être prises par l’inspection du travail sur la base d’une obligation de résultat et non plus de moyens.
Autrement dit, tout écart salarial injustifié entre les femmes et les hommes sera sanctionnable.
L’existence d’un accord ou d’un plan d’action en matière d’égalité professionnelle et les actions de l’employeur en la matière ne pourront que réduire le montant de la sanction prononcée.
Comme aujourd’hui, l’employeur encourra une pénalité financière d’un montant maximal de 1 % de la masse salariale. D’après la ministre du Travail, les entreprises rencontrant des difficultés particulières pour se mettre en conformité pourront se voir accorder un délai supplémentaire d’une année.
→ Obligation de transparence sur les résultats des entreprises en matière d’égalité salariale
Les entreprises devraient publier sur leur site internet leur résultat global en matière d’écart de salaires inexpliqué ainsi qu’un écart brut de salaires femmes-hommes.
Le comité social et économique et les délégués syndicaux auront accès aux données, catégorie de poste par catégorie de poste.
→ Plus de droit à la formation pour les salariés à temps partiel
Les salariés à mi-temps ou plus bénéficieraient des mêmes droits que les salariés à temps plein sur le compte personnel de formation.
Les femmes représentent aujourd’hui 80 % des salariés à temps partiel : elles seront donc les premières bénéficiaires de ces nouveaux droits.
→ Bilan annuel des branches professionnelles dans le cadre de leur action en matière d’égalité professionnelle
Les branches rendraient des comptes sur leur action en matière d’égalité professionnelle dans le cadre de leur bilan annuel (classification, promotion de la mixité, les certificats de qualification professionnelle au service des parcours des femmes) (article L.2232-9 3° nouveau Code du travail).
La Direction du travail serait chargée du suivi de l’activité des branches.
→ Plus de contrôle de l’inspection du travail
Les contrôles de l’inspection du travail devraient être multipliés par 4. On devrait passer de 1730 à 7000 contrôles par an sur l’égalité professionnelle et salariale.
→ Lutter contre les stéréotypes en accompagnant les acteurs du monde du travail
Cela devrait notamment concerner la période d’embauche, en diffusant des guides mis à la disposition des entreprises, des branches, des commissions paritaires régionales interprofessionnelles.
→ Améliorer l’équilibre des temps
L’objectif annoncé est de valoriser les bonnes pratiques pour un meilleur équilibre des temps de vie professionnel et familial (gestion des temps, télétravail) et examiner les modalités de prise des droits à congés maternité, paternité et parental.
→ Sensibiliser les instances dirigeantes des entreprises cotées et rendre obligatoire l’information annuelle sur la mixité
Pour les entreprises cotées, une délibération annuelle du comité des rémunérations et du conseil d’administration portera nécessairement sur les résultats en matière d’égalité salariale.
L’information annuelle du conseil d’administration sur la mixité dans le top management de l’entreprise sera rendue obligatoire.
Cette information dépassera le champ restreint du « comex » (comité exécutif), pour viser les 100 postes les plus élevés de l’entreprise.
EN MATIÈRE DE VIOLENCES SEXISTES ET SEXUELLES
→ Un rôle de prévention pour les acteurs du dialogue social
Les branches et les commissions paritaires régionales interprofessionnelles se verraient confier un rôle de prévention.
Dans le document unique d’évaluation des risques professionnels, un volet serait dédié à la prévention des violences sexistes et sexuelles.
→ Former et informer les acteurs du monde professionnel
- Former les inspecteurs du travail de façon systématique pour détecter les violences et apporter des réponses adéquates
- Former les professionnels de la médecine du travail de façon systématique pour accompagner les victimes, ainsi que le personnel de santé
- Former les délégués syndicaux et les élus du personnel au titre de leur formation en santé, sécurité et conditions de travail, laquelle comprendra un volet relatif aux violences sexistes et sexuelles
- Former les conseillers prud’homaux
- Les cadres des entreprises au moins de taille intermédiaire et les chefs des petites entreprises seront sensibilisés à ces violences, selon les conditions définies par accord de branche ou d’entreprise.
- Les salariés seront informés par tous moyens sur les voies de recours civiles et pénales ouvertes en matière de harcèlement sexuel ainsi que les coordonnées des services compétents (article L.1153-5 nouveau du Code du travail).
→ Accompagner les victimes
Des référents formés et identifiables seront choisis parmi les représentants élus du personnel et un autre référent sera désigné au sein des services de médecine du travail.
Par ailleurs le gouvernement s’engage à soutenir les associations d’accompagnement des victimes.
→ Sanctionner les responsables
Les employeurs seraient accompagnés et conseillés dans l’exercice de leur pouvoir disciplinaire.
En cas de faits avérés de violences sexistes et sexuelles, les auteurs de tels faits de violences devront être sanctionnés par l’entreprise : mutation, licenciement selon la gravité des faits.
En cas de besoin, les employeurs pourraient être orientés par leur DIRECCTE sur la sanction appropriée.
Un guide pratique devrait être élaboré afin de clarifier les sanctions adaptées à chaque situation.