Muriel Pénicaud, ministre du Travail et Sophie Cluzel, Secrétaire d’État chargée des Personnes handicapées ont présenté, ce mardi 5 juin, un premier point d’étape sur la politique de l’emploi des personnes en situation de handicap. À l’heure où le taux de chômage des personnes en situation de handicap est deux fois supérieur à la moyenne nationale, le Gouvernement veut agir pour leur accès à la formation et à l’emploi tout en simplifiant les démarches des entreprises.
Les mesures présentées par le Gouvernement seront intégrées, par voie d’amendement, dans un volet handicap au sein du projet de loi « Avenir Professionnel », en cours de discussion à l’Assemblée Nationale.
Quel sera le paysage en matière d’emploi des travailleurs handicapés au 1er janvier 2020 ?
Le quota de 6 % minimum de travailleurs handicapés débattu tous les 5 ans
Aujourd’hui, tout employeur occupant au moins 20 salariés est tenu d'employer à plein temps ou à temps partiel des travailleurs handicapés dans une proportion de 6 % de l'effectif total de l'entreprise (c. trav. art. L. 5212-1 et L. 5212-2).
Dans son projet de loi « Avenir professionnel », le gouvernement a prévu que ce taux sera révisé tous les 5 ans, en référence notamment à la part des travailleurs handicapés dans la population active (art. 40 du projet de loi; C. trav., art. L. 5212-2 en projet).
Toutefois, il est précisé que le taux de 6 % est un taux minimal : il ne pourra donc pas y avoir de modification à la baisse de ce taux.
De plus, le taux ne sera pas automatiquement révisé tous les 5 ans. C’est un débat parlementaire qui sera organisé tous les 5 ans afin de discuter de l’éventuelle évolution du quota.
Des mesures facilitant le respect du quota de 6%
Le quota de 6 % de travailleurs handicapés n’est aujourd’hui que très rarement atteint dans les entreprises. Le taux d’emploi direct dans les entreprises du secteur privé est de 3,4% en équivalent temps plein.
Il est prévu d’une part que tous les handicapés travaillant dans une entreprise seront pris en compte pour l’atteinte des 6% quel que soit leur statut : stagiaire, personnes en périodes de mise en situation professionnelle, intérimaire, titulaire de contrats aidés, alternants.
La prise en compte des stages et des périodes de mise en situation en milieu professionnel ne sera donc plus plafonnée à 2 % (c. trav. art. L. 5212-7).
D’autre part, les accords collectifs agréés auront une durée de vie limitée, de 6 ans maximum (3 ans renouvelable une fois).
L’application de ces accords équivaut au respect de l’obligation de l’emploi et exonère l’entreprise du versement éventuel d’une contribution AGEFIPH (article L.5212-8 du Code du travail).
Cette mesure forcera les entreprises à remplir leur obligation d'emploi par un autre moyen au terme de ces 6 ans.
Une obligation d’emploi évaluée au niveau de l’entreprise
Actuellement, l’obligation d’emploi de 6% s’apprécie établissement par établissement dans les entreprises à établissements multiples (article L.5212-3 du Code du travail).
Désormais, cette obligation serait appréciée au niveau de l’entreprise afin d’augmenter le périmètre des entités concernées et le potentiel d’emploi de travailleurs handicapés de plus de 100.000 salariés.
La volonté de favoriser l’emploi direct des travailleurs handicapés
Aujourd’hui, tout employeur occupant au moins 20 salariés et ne remplissant pas ou que partiellement l’obligation d’emploi de travailleurs handicapés doit s'acquitter d'une contribution à l'Agefiph, le fonds pour l'insertion professionnelle des personnes handicapées, calculée en fonction du nombre de bénéficiaires qu'il aurait dû employer et en fonction de la taille de l'entreprise.
Le Gouvernement souhaite que l’emploi direct de travailleurs handicapés ou le paiement de la contribution à l’Agefiph deviennent les seules options dont dispose l’employeur pour s’acquitter de son obligation d’emploi des travailleurs handicapés (OETH).
En effet, le texte abrogerait la possibilité ouverte à l’employeur de s’acquitter partiellement de son OETH en passant des contrats de fourniture, de sous-traitance ou de prestation de services avec des entreprises adaptées (EA), des centres de distribution de travail à domicile (CDTD), des établissements ou services d’aide par le travail (Esat) ou des travailleurs indépendants handicapés bénéficiaires de l’OETH (art. 40 du projet de loi ; C. trav., art. L. 5212-6 en projet).
Néanmoins, les dépenses supportées directement par l’employeur en passant de tels contrats avec des EA, Esat ou travailleurs indépendants handicapés pourraient être partiellement déduites du montant de la contribution annuelle versée par l’employeur ne satisfaisant pas à l’OETH. La nature des dépenses ainsi que les conditions dans lesquelles celles-ci pourraient être déduites du montant de la contribution seraient déterminées par décret (art. 40 du projet de loi ; C. trav., art. L. 5212-10-1 en projet).
A noter que la contribution versée par l’employeur à l’Agefiph lorsqu’il n’atteint pas le taux d’emploi de 6 % de travailleurs handicapés serait intégrée à l’assiette de l’impôt sur les sociétés (art. 40 du projet de loi ; C. trav., art. L. 5212-9 en projet).
La suppression de la minoration du montant de la contribution au titre des efforts consentis
Actuellement, l’employeur peut bénéficier d’une minoration du montant de la contribution en fonction des « efforts consentis » en matière de recrutement et de maintien dans l’emploi des personnes en situation de handicap (article L.5212-9 du Code du travail).
Le coefficient de minoration, au titre des efforts consentis par l'employeur en matière de maintien dans l'emploi ou de recrutement direct de bénéficiaires de l'obligation d'emploi, est égal (article D.5212-23 du Code du travail) à :
1°) 0,5 à titre permanent pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi et âgé de moins de vingt-six ans ou de cinquante ans révolus et plus ;
2°) 1 pour l'embauche ou le maintien dans l'emploi d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi pour lequel le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi a reconnu la lourdeur du handicap pour la durée de la validité de la décision ;
3°) 0,5 la première année pour l'embauche du premier travailleur handicapé appartenant à l'une des catégories de bénéficiaires de l'obligation d'emploi ;
4°) 1 la première année pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi en chômage de longue durée ;
5°) 1 à titre permanent pour l'embauche d'un bénéficiaire de l'obligation d'emploi à sa sortie d'une entreprise adaptée, d'un centre de distribution de travail à domicile ou d'un établissement ou service d'aide par le travail.
Le Gouvernement a annoncé son intention de supprimer ces cas de minoration, à l’exception de celle prévue pour l’embauche d’un bénéficiaire de l’emploi d’emploi de plus de 50 ans.
Une simplification des démarches des entreprises
A compter du 1er janvier 2020, un employeur verra ses démarches relatives à la déclaration d’emploi de travailleurs handicapés simplifiées.
Aujourd’hui la déclaration d’emploi de travailleurs handicapés s’effectue par 5 formulaires différents, une centaine de rubriques à renseigner, un calcul « manuel » de l’obligation d’emploi et de la contribution due.
La déclaration obligatoire d’emploi des travailleurs handicapés (DOETH) ne serait plus adressée à l’AGEPIH mais serait effectuée au moyen de la déclaration sociale nominative (DSN).
Il serait précisé que « les informations contenues dans cette déclaration sont confidentielles. Elles ne peuvent être communiquées à un autre employeur auprès duquel un bénéficiaire de l’obligation d’emploi qu’elle concerne sollicite un emploi » (art. 40 du projet de loi ; C. trav., art. L. 5212-5 et CSS, art. L. 133-5-3 en projet).
Le calcul de l’obligation d’emploi sera automatisé (via la déclaration sociale nominative) et n’aura donc plus à être effectué manuellement.
Il n’y aura plus qu’un interlocuteur unique pour le recouvrement de la contribution : l’Urssaf ou les caisses de mutualité sociale agricole qui reverseront cette contribution à AGEFIPH.
La création d’une obligation déclarative pour toutes les entreprises
A compter du 1er janvier 2020, toutes les entreprises, y compris les TPE, déclareront leurs mesures prises en faveur de l’emploi de travailleurs handicapés.
Ainsi, les entreprises de moins de 20 salariés seront assujetties à cette obligation déclarative, ce qui permettra de « rendre visible » leurs efforts, même si elles ne sont pas soumises à l’obligation d’emploi.
Le développement de l’accès à l’apprentissage
Seuls 1,2% des apprentis sont des travailleurs handicapés alors que cette voie constitue un outil privilégié d’insertion professionnelle.Les référents handicap seront généralisés dans les CFA.
Chaque CFA percevra une aide supplémentaire pour chaque apprenti en situation de handicap. Les enseignements et les postes de travail seront ainsi adaptés.