Le 18 juin 2018, le projet de loi intitulé « Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises » (PACTE) a été adopté en Conseil des ministres.
Le ministre de l’Economie et des Finances, Bruno Le Maire, a annoncé que le texte serait examiné par le Parlement à compter du mois de septembre 2018 avec pour objectif une entrée en vigueur à compter du 1er janvier 2019.
Ce projet de loi, qui compte plus de 70 articles et a pour objectif de « renouer avec l’esprit de conquête économique », concerne notamment le droit social en ce qu’il vise à :
- Simplifier les seuils applicables aux PME, en harmonisant les modes de décompte des effectifs et en retardant les obligations générées par le franchissement d’un seuil ; (A)
- Rendre plus attractifs les dispositifs d’épargne salariale, en supprimant leur assujettissement au forfait social dans les PME et en facilitant leur mise en place. (B)
Bien que des amendements puissent encore y être apportés par les parlementaires, le cabinet Siléas vous propose une première revue de ces projets de mesures.
A. Simplification des seuils d’effectifs
Avec pour ambition de créer un « environnement juridique plus simple et plus favorable à la croissance des entreprises en matière de seuils d’effectifs », l’article 6 du projet de loi PACTE :
- Relèverait à la hausse certains seuils d’effectifs (1)
- Harmoniserait les règles de décompte des effectifs salariés et laisserait cinq ans aux entreprises franchissant un seuil pour se conformer aux obligations qui en découlent. (2)
Toutefois, la réforme présente une certaine complexité rédactionnelle en ce qu’elle contraint à distinguer trois hypothèses :
- Les obligations concernées par une hausse des seuils d’effectifs ;
- Les obligations concernées par l’harmonisation des règles de décompte des effectifs ;
- Les obligations concernées par les deux mesures.
Il est d’ores et déjà précisé par le gouvernement que dans un souci de stabilité juridique, les seuils issus de la Réforme du Code du travail opérée par la loi d’habilitation du 15 septembre 2017 n°2017-1340 (c’est-à-dire les ordonnances du 22 septembre et du 20 décembre 2017 relatives par exemple au CSE) ne seraient pas concernés par la réforme.
1. Obligations concernées par la hausse des seuils d’effectifs
Le texte a pour objectif de supprimer le seuil de 20 salariés (à l’exception du seuil d’obligation d’emploi des travailleurs handicapés) ainsi que ceux de 25, 100,150 et de 200 salariés.
A ce titre et indépendamment de la modification des règles de décompte des effectifs décrites infra (2) le texte relève à la hausse les seuils d’effectifs concernant les obligations suivantes :
- Mise en place d’un règlement intérieur de l’entreprise : L’employeur ne serait obligé d’établir un règlement intérieur qu’à l’issue d’un délai d’un an à compter de la date à laquelle le seuil d’au moins 50 salariés a été atteint dans l’entreprise ou l’établissement, contre une mise en place sous 6 mois lors du franchissement du seuil de « 20 salariés employés habituellement » (Article L.1311-2 du Code du travail; Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16)
- Mise à disposition d’un local syndical commun : L’employeur ne serait tenu de mettre à disposition des sections syndicales un local commun convenant à l’exercice de la mission de leurs délégués que dans les entreprises ou établissements d’au moins 250 salariés, contre 200 actuellement. (Article L.2142-8 du Code du travail).
Afin de tenir compte des situations existantes, dans les entreprises de 200 à 250 salariés, les locaux demeureraient mis à disposition des syndicats pendant au moins 5 ans. (Exposé des motifs du projet de loi)
En application de ce texte, les entreprises ayant moins de 50 salariés (contre vingt actuellement) pourraient bénéficier :
- Du taux réduit de la contribution au Fonds National d’Aide au Logement (fixé à 0,1% des rémunérations limitées au plafond de la sécurité sociale, contre 0,5% de la totalité des rémunérations, cf. Article L.834-1 du Code de la Sécurité sociale)
- De l’exonération de la participation à l’effort de construction (Article 313-1 du Code de la construction et de l’habitation).
Parallèlement, le projet de loi PACTE modifie le décompte de certains seuils d’effectifs et les conséquences de leur franchissement.
2. Obligations concernées par l’harmonisation du décompte des effectifs
Au-delà de la hausse des seuils précités, le projet de loi entend harmoniser et simplifier le décompte des certains effectifs (a) ainsi que l’impact du franchissement d’un seuil sur les obligations de l’employeur (b).
Cette harmonisation est décrite par le gouvernement comme une « démarche globale » et le projet de loi actuel, qui ne vise que certains seuils (c), devrait encore être complété par d’autres mesures.
a. Une référence unique au Code de la sécurité sociale
Si le projet de loi PACTE actuel venait à s’appliquer, le mode de calcul des effectifs pour certains dispositifs en droit du travail, commercial et fiscal serait harmonisé sur la base de celui prévu par le Code de la sécurité sociale. (Nouvel article L.130-1 du Code de sécurité sociale, créé par l’article 6 du projet de loi)
Pour les seuls droits du travail et de la sécurité sociale, il existe en effet déjà deux modes de décompte des effectifs d'une entreprise :
- Un effectif de salariés tel que décompté par le Code de la sécurité sociale, par exemple pour l'application des règles relatives au calcul et au recouvrement des cotisations sociales ou l’application d’un mode de tarification AT/MP. (Article R.130-1 du Code de la sécurité sociale)
Cet effectif est déterminé par la moyenne du nombre de personnes employées au cours de chacun des mois de l'année civile précédente.
- Un effectif de salariés tel que décompté par le Code du travail, pour la mise en œuvre des dispositions de ce Code, sauf disposition spécifique contraire. (Article L.1111-2 et L.1111-3 du Code du travail)
Cet effectif est déterminé sur la base du nombre de salariés équivalents temps plein.
Le projet de loi imposerait donc, pour l’appréciation de l’atteinte d’un certain nombre de seuils d’effectifs prévus par différentes législations (cf. infra c.), de procéder à un décompte basé sur celui prévu par le Code de la sécurité sociale.
Une fois atteints, ces seuils d’effectifs ne génèreraient toutefois pas immédiatement d’obligations.
b. Déclenchement des obligations cinq ans après le franchissement du seuil
Actuellement et sauf exception, les entreprises doivent se conformer immédiatement aux obligations découlant du franchissement d’un seuil d’effectif.
Le projet de loi PACTE introduit une règle nouvelle selon laquelle (Article L.130-1 du Code de la sécurité sociale tel que créé par le projet de loi) :
- Les obligations générées ne seraient effectives que lorsque le seuil d’effectif aurait été atteint ou dépassé pendant 5 années civiles consécutives ;
- Si l’effectif de l’entreprise revient à un niveau inférieur au seuil, l’entreprise serait immédiatement exonérée de l’obligation générée par ce seuil, qui devrait à nouveau être atteint pendant 5 années consécutives pour reproduire ses effets.
c. Les obligations concernées
Les deux mesures précitées (modalité de décompte des effectifs et durée de cinq ans nécessaire au franchissement du seuil pour générer l’obligation) seraient appliquées pour les seuils d’effectifs du Code de la sécurité sociale mais également à certains seuils figurant dans d’autres Codes.
(Article L.130-1 du Code de la Sécurité sociale tel qu’envisagé par l’article 6 du projet de loi, Exposé des motifs du projet de loi)
Comme rappelé précédemment, les obligations ne sont pas nécessairement les mêmes que celles concernées par la hausse des seuils précitée (1).
Parmi les seuils d’effectifs d’ores et déjà visés par le projet de loi, on trouve notamment :
- Les seuils de 11 et 50 salariés relatifs à l’immatriculation au répertoire des métiers ou de registre des entreprises pour les entreprises artisanales (Article 19 de la loi n°96-603 du 5 juillet 1996 tel qu’envisagé par l’article 6 II. 4° du projet de loi)
- Le seuil de 50 salariés relatif aux chèques-vacances et à leur exonération de cotisations (Article 411-1 et L.411-9 du Code du tourisme tels qu’envisagés par l’article 6 IV. du projet de loi)
- Le seuil de 11 salariés déclenchant l’assujettissement au « versement transport » (Article 2333-64 et L.2351-2 du Code général des collectivités territoriales tels qu’envisagés par l’article 6 V. du projet de loi)
- Sous réserve de parution d’un décret, le seuil de 10 salariés déclenchant l’obligation de transmettre de manière dématérialisée à Pôle Emploi les attestations et justifications permettant au salarié d’exercer ses droits (Article R.1234-9 du code du travail tel qu’envisagé par l’article 6 VI. 1° du projet de loi)
- Le seuil de 20 salariés déclenchant, à défaut d’accord sur ce point, le paiement à 100% des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent annuel d’heures (contre 50% en dessous). (Article L.3121-38 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 6 VI. 4° du projet de loi)
- Sous réserve de parution d’un décret, le seuil d’effectif de 25 déclenchant l’obligation de mettre à disposition une salle de restauration et de repos (Article R.4228-22 du code du travail tel qu’envisagé par l’article 6 VI. 6° du projet de loi)
- Le seuil de 20 salariés déclenchant les obligations relatives à l’emploi de travailleurs handicapés (Article L.5212-1 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 6 VI. 9° du projet de loi)
- Sous réserve de parution d’un décret, le seuil de 10 salariés relatif aux modalités de désignation d’un conseiller à la prévention du risque hyperbare (Article R.4461-4 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 6 VI.7° du projet de loi)
- Sous réserve de parution d’un décret, le seuil de 51 salariés déclenchant l’obligation de mettre à disposition de l’inspection du travail un document annuel faisant état des changements de secteur et d’affectation du médecin du travail (Article R.4623-13 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 6 VI. 8° du projet de loi)
- Le seuil de 11 salariés relatif à l’exonération, pour l’emploi des apprentis, de cotisations sociales patronales et salariales, à l’exception de celles dues au titre des accidents du travail et des maladies professionnelles (ATMP) des employeurs inscrits au répertoire des métiers. (Article L.6243-2 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 6 VI. 13° du projet de loi)
- Le seuil de 50 salariés déclenchant l’obligation d’abonder le Compte Personnel de Formation (CPF) des salariés n’ayant pas bénéficié d’entretien professionnel lors des six dernières années (Article L.6315-1 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 6 VI. 14° et 15° du projet de loi)
- Le seuil de 20 salariés (contre bientôt 50 en application du projet de loi) déclenchant l’obligation pour l’employeur de verser la participation à l’effort de construction (Article L.313-1 du Code de la construction tel qu’envisagé par l’article 6 VIII. 1° du projet de loi). Cette obligation est donc concernée à la fois par une hausse du seuil et par le changement des règles de décompte des effectifs.
- L’ensemble des seuils de (50 et 250 salariés) intéressant le dispositif de l’intéressement des salariés aux résultats de l’entreprise (Article L.3311-1 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 57 du projet de loi)
- L’ensemble des seuils (50 salariés et 250 salariés) intéressant le dispositif de la participation des salariés aux résultats de l’entreprise (Article L.3321-1 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 57 II. 5° du projet de loi)
Outre les mesures relatives au décompte des effectifs, leurs différents seuils et les obligations qui en découlent, le projet de loi PACTE vise à réformer les différents dispositifs de participation, de l’intéressement et de l’épargne salariale.
B. Les mesures visant à rendre plus attractifs les dispositifs d’intéressement, de participation et d’épargne salariale pour les PME
Afin d’encourager le recours aux différents dispositifs d’intéressement, de participation et d’épargne salariale, le projet de loi entend exonérer de forfait social les sommes versées à ce titre par les PME (1) et simplifier leur mise en place. (2)
1. Suppression du forfait social sur les dispositifs d’épargne salariale, d’intéressement et de participation dans les petites et moyennes entreprises
Actuellement, les sommes versées par les entreprises de moins de 50 salariés au titre de la participation et de l’intéressement sont soumises au forfait social au taux de droit commun de 20%, ou de 8% pour les entreprises concluant un accord de participation ou d’intéressement pour la première fois ou n’en ayant pas conclu pendant les 5 années précédentes.
Avec le projet de loi PACTE, le forfait social sera supprimé :
- Sur les sommes versées au titre de l’intéressement pour les entreprises de 0 à 250 salariés
- Sur l’ensemble des versements d’épargne salariale (intéressement, participation et abondement de l’employeur sur un plan d’épargne salariale) pour les entreprises de 0 à 50 salariés (Article L.137-16 du Code de la sécurité sociale tel qu’envisagé par l’article 57 I. du projet de loi)
2. Simplification de la mise en place et du maintien d’accords de participation et d’intéressement
a. Obligation de négocier des accords-types au niveau de la branche
Afin de faciliter la mise en place de dispositifs d’intéressement et de participation ou de plan d’épargne salariale, il est prévu par le texte provisoire que les branches devraient négocier des accords-types prévoyant de tels régimes au plus tard le 31 décembre 2020.
Les entreprises de la branche pourraient alors opter pour l’application de ces accords, qui doivent être « adaptés aux spécificités des entreprises employant moins de 50 salariés au sein de la branche ». (Article 57 III. du projet de loi)
A défaut d’initiative de la partie patronale, précise le texte, une organisation syndicale représentative dans la branche salariée pourrait demander la tenue de cette négociation, qui devrait alors s’engager dans les quinze jours.
De telles dispositions étaient au demeurant déjà prévues par la loi du 6 août 2015 (Article L.3312-9 pour l’intéressement et L.3322-9 du Code du travail pour la participation), qui seraient abrogées par le projet de loi.
b. Maintien de l’accord d’intéressement en cas de modification de la situation juridique de l’entreprise
Le projet de loi dispose qu’en cas de modification survenue dans la situation juridique de l’entreprise, notamment par fusion, cession ou scission qui nécessite la mise en place de nouvelles institutions de représentants du personnel, l’accord d’intéressement se poursuivrait ou pourrait être renouvelé, selon les modalités classiques de conclusion d’un accord d’intéressement. (Article L.3312-2 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 57 du projet de loi)
c. Le partenaire de PACS du chef d’entreprise pourrait bénéficier de l’épargne salariale
Actuellement, seuls les conjoints collaborateurs ou associé qui sont mariés aux chefs d’entreprise peuvent bénéficier de l’intéressement, de la participation et des plans d’épargne salariale de l’entreprise.
Par souci d’égalité et d’incitation à recourir à ces dispositifs, les partenaires liés par un PACS pourraient également prétendre à ces dispositifs à l’entrée en vigueur des dispositions du projet de loi. (Article L.3312-3 du Code du travail tel qu’envisagé par l’article 57 du projet de loi)