Loi Avenir Professionnel : quelles modifications en matière d’apprentissage ?

 

Le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a été définitivement adopté par le Parlement le 1er août 2018.

Ce nouveau texte modifie les conditions de conclusion, d’exécution et de rupture du contrat d’apprentissage. Le Gouvernement a souhaité ouvrir l’apprentissage à un public élargi et offrir plus de flexibilité aux employeurs.

Après avoir abordé les mesures du projet de loi en matière de formation professionnelle, le cabinet Siléas vous propose de revenir sur les principales mesures de la loi Avenir Professionnel touchant le système de l’apprentissage.

 

L’assouplissement des conditions de conclusion du contrat d’apprentissage

 

Le système d’enregistrement des contrats remplacé par une procédure de dépôt

Actuellement, le contrat d'apprentissage est adressé pour enregistrement à la chambre consulaire compétente. (Article L.6224-1 du Code du travail)

A compter du 1er janvier 2020 selon le projet de loi, le contrat d’apprentissage sera simplement déposé auprès de l’Opérateur de Compétences (remplaçants des OPCA). (Article 11 du projet de loi)

 

Hausse de l’âge limite d’entrée dans l’apprentissage

Auparavant, nul ne peut être engagé en qualité d'apprenti s'il n'est âgé de seize ans au moins à vingt- cinq ans au début de l'apprentissage. (Article L.6222-1 du Code du travail).

Désormais, l’âge limite d’entrée de 25 ans sera repoussé à 29 ans révolus. (Article 13 du projet de loi).

 

Abaissement de la durée minimale du contrat de 1 an à 6 mois

En application du droit actuel, la durée du contrat d’apprentissage est en principe égale à celle du cycle de formation préparant à la qualification qui fait l'objet du contrat.

La durée du contrat ou de la période d'apprentissage peut être adaptée pour tenir compte du niveau initial de compétence de l'apprenti, sous réserve d’autorisation du service de l'inspection de l'apprentissage compétent. (Article L.6222-8 du Code du travail).

De plus, la durée minimale du contrat d’apprentissage (ou la période d’apprentissage lorsque le contrat est conclu pour une durée indéterminée) est en principe fixée à 1 an, pour une durée maximale de 3 ans. (Article L.6222-7-1 du Code du travail).

Enfin, en cas de dérogation ou de suspension du contrat pour une raison indépendante de la volonté de l'apprenti, la durée du contrat ou de la période d'apprentissage est prolongée jusqu'à l'expiration de ce cycle. (Article L.6222-12 du Code du travail).

Le projet de loi (Article 13, II du projet de loi) :

  • Réduit la durée minimale du contrat d’apprentissage à 6 mois à compter du 1er janvier 2019.
  • Permet de conclure un contrat d’apprentissage pour une durée inférieure à celle du cycle de formation, afin de tenir compte notamment du niveau initial de l’apprenti et des compétences déjà acquises en apprentissage lors d’une mobilité à l’étranger, sans avoir besoin de l’autorisation du service de l’inspection de l’apprentissage.
  • Supprime la prolongation du contrat d’apprentissage en cas de dérogation ou de suspension du contrat pour une raison indépendante de la volonté de l’apprenti.

 

Assouplissement à titre expérimental de la visite d’information et de prévention

Les apprentis sont présentement soumis comme les autres salariés, à une visite d’information et de prévention auprès de la médecine du travail après leur embauche. (Article L.4624-1 du Code du travail)

A titre expérimental et jusqu’au 31 décembre 2021, le projet de loi prévoit que lorsqu’aucun professionnel de la médecine du travail n’est disponible dans un délai de 2 mois, la visite d’information et de prévention des apprentis peut être réalisée par un médecin de ville dans des conditions précisées par décret. (Article 11 du projet de loi)

 

L’assouplissement des conditions d’exécution du contrat d’apprentissage : dérogations aux durées maximales de travail

Actuellement, les jeunes travailleurs ne peuvent être employés à un travail effectif excédant huit heures par jour et trente-cinq heures par semaine. (Article L.3162-1 du Code du travail)

A titre exceptionnel, des dérogations à ces dispositions peuvent être accordées dans la limite de cinq heures par semaine par l'inspecteur du travail après avis conforme du médecin du travail de l'établissement.

La loi Avenir Professionnel consacre des possibilités de déroger aux durées maximales de travail.

En effet, certaines activités, qui seront listées par décret en Conseil d’État, bénéficieront de dérogation de droit dès lors que leur organisation collective du travail le justifie.

Ainsi les branches concernées pourront déroger à la durée hebdomadaire de 35 heures de travail effectif dans la limite de 5 heures par semaine et à la durée quotidienne de 8 heures de travail effectif dans la limite de 2 heures par jour.

Lorsqu’il sera fait application de ces dépassements, les apprentis bénéficieront :

  • De périodes de repos d’une durée au moins équivalente au nombre d’heures accomplies au-delà de la durée quotidienne de huit heures sont attribuées ;
  • D’un repos compensateur équivalent.

La possibilité de dérogation par autorisation de l’inspection du travail après avis conforme du médecin du travail demeurera identique pour les autres secteurs d’activités non visés par le décret.

La règle déjà en vigueur auparavant selon laquelle la durée du travail des intéressés ne peut en aucun cas être supérieure à la durée quotidienne ou hebdomadaire normale du travail des adultes employés dans l’établissement sera maintenue.

 

L’assouplissement des conditions de rupture du contrat d’apprentissage

Actuellement, le contrat d’apprentissage peut être rompu (Article L.6222-18 du Code du travail) :

  • Librement par l'une ou l'autre des parties, jusqu'à l'échéance des quarante-cinq premiers jours, consécutifs ou non, de formation pratique en entreprise effectuée par l'apprenti.
  • Passé ce délai de 45 jours, uniquement par accord écrit des parties ou à défaut, par décision du Conseil de prud’hommes en cas de faute grave, de manquements répétés de l’une des parties à ses obligations ou en raison de l’inaptitude de l’apprenti à exercer le métier auquel il voulait se préparer.

Le projet de loi assouplit les modalités de rupture du contrat passé le délai de 45 jours. Ainsi, après ce délai et à compter du 1er janvier 2019 (Article 16 du projet de loi) :

  • La possibilité d’une rupture amiable demeure ;
  • L’apprenti pourra rompre unilatéralement son contrat après avoir sollicité au préalable un médiateur désigné par la chambre consulaire (c’est-à-dire selon l’activité exercée, soit une chambre des métiers et de l’artisanat, d’agriculture ou encore de commerce). Si l’apprenti est mineur, l’acte de rupture doit être conjointement signé par son représentant légal.

Lorsque l’apprenti mineur ne parvient pas à obtenir de réponse de son représentant légal, il peut solliciter le médiateur désigné par la chambre consulaire compétente. Le médiateur intervient, dans un délai maximum de quinze jours calendaires consécutifs à la demande de l’apprenti, afin d’obtenir l’accord ou non du représentant légal sur l’acte de rupture du contrat.

Une copie de cet acte est adressée, pour information, à l’établissement de formation dans lequel l’apprenti est inscrit.

  • L’employeur pourra rompre le contrat de travail, sous la forme d’un licenciement pour motif personnel, en cas de force majeure, de faute grave de l’apprenti, d’inaptitude constatée par le médecin du travail ou en cas de décès d’un employeur maître d’apprentissage dans le cadre d’une entreprise unipersonnelle.

Lorsque le licenciement est motivé pour une faute grave, l’employeur doit respecter la procédure disciplinaire adéquate. En revanche en cas d’inaptitude constatée par le médecin du travail, l’employeur ne sera pas tenu à une obligation de reclassement.

Enfin, le projet de loi prévoit que l’exclusion définitive de l’apprenti de son centre de formation constitue une cause réelle et sérieuse de licenciement.

Dans ce cas, l’employeur disposera d’une option :

  • Soit il pourra engager une procédure de licenciement pour motif personnel ;
  • Soit il laissera un délai de deux mois à son apprenti pour s’inscrire dans un nouveau centre de formation ; 
  • Soit il pourra conclure un contrat de travail avec son apprenti dans les conditions de droit commun lorsque le contrat d’apprentissage a été conclu pour une durée déterminée, ou un avenant mettant fin à la période d’apprentissage lorsque le contrat d’apprentissage est conclu pour une durée indéterminée.
  • Le contrat d’apprentissage pourra également être rompu en cas de liquidation judiciaire ou encore après une décision administrative d’opposition à l’engagement d’apprentis.

 

Développement de la mobilité des apprentis hors Union Européenne

Comme précisé à l’occasion de la parution de la loi de ratification des ordonnances du 29 mars 2018 sur le site du cabinet, les apprentis bénéficient désormais d’un cadre juridique pour effectuer leur apprentissage à l’étranger. (Article L.6222-42 du Code du travail)

Au moment de la parution de la loi de ratification du 29 mars 2018, le texte semblait limiter cette possibilité aux territoires membres de l’Union Européenne.

Le projet de loi complète la loi de ratification en y ajoutant :

  • Que l’apprentissage peut s’effectuer également en dehors de l’Union européenne;
  • Que la durée d’exécution du contrat en France doit être au minimum de six mois ;
  • Que pendant la période de mobilité à l’étranger, l’apprenti n’est pas tenu d’alterner périodes de formation théorique au CFA et périodes de formation pratiques en entreprise, de sorte qu’il peut réaliser « d’une traite » l’ensemble de sa formation pratique à l’étranger.

Enfin il doit être noté que l’apprenti est désormais couvert du risque maternité pendant sa période de mobilité, alors que cela n’était pas le cas dans la loi de ratification qui s’était borné à couvrir les risques maladie, vieillesse, accidents du travail et invalidité. (Article 13 du projet de loi)

 

Création d’une aide unique pour les employeurs d’apprentis

A compter du 1er janvier 2019, les trois aides actuelles à l’embauche seront remplacées par une aide unique versée par l’Etat.

Cette nouvelle aide sera versée aux entreprises de moins de 250 salariés qui embauchent des jeunes préparant un diplôme ou un titre à finalité professionnelle dont le niveau ne dépasse pas celui du baccalauréat. D’après le ministère du Travail, son montant serait supérieur à 6 000 € sur deux ans.