Loi « Avenir Professionnel » : qu’est-ce que le « CDI intérimaire » ?

 

Le projet de loi « Pour la liberté de choisir son avenir professionnel » a été adopté par le Parlement le 1er août 2018.

L’article 116 de ce texte a pour objet d’intégrer dans le Code du travail le « Contrat de travail à Durée Indéterminée Intérimaire » (CDI intérimaire), autorisé à titre expérimental par l’article 56 de la loi n°2015-994 du 17 août 2015, cette loi ayant elle-même légalisé les dispositions d’un Accord national du 10 juillet 2013.

A ce titre, les contrats de travail à durée indéterminée intérimaires conclus entre le 6 mars 2014 et le 19 août 2015 sur le fondement de l’accord du 10 juillet 2013, précise le projet de loi, sont présumés conformes à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015, sans préjudice des contrats ayant fait l’objet de décisions de justice passées en force de chose jugée.

Cette décision sécurise les CDI intérimaires conclus sur la base de l’accord du 10 juillet 2013 alors que la Cour de Cassation venait de rendre, le 12 juillet 2018, un arrêt invalidant ces contrats, jugeant que les parties à l’accord du 10 juillet 2013 n’avaient pas compétence pour créer une nouvelle catégorie de contrat de travail. (Cass. Soc. 12 juillet 2018 n°16-26.844)

Le cabinet Siléas vous propose de poursuivre l’étude de la loi « Avenir Professionnel » en se focalisant aujourd’hui sur le CDI intérimaire.

 

Quel est le fonctionnement du CDI intérimaire ?

 

Le CDI intérimaire est défini par le futur article L. 1251-58-1 du Code du travail comme un « contrat à durée indéterminée pour l’exécution de missions successives », conclu entre un salarié et une entreprise de travail temporaire.

Ce contrat est régi par les dispositions du Code du travail relatives au contrat à durée indéterminée, sous réserve des règles particulières énoncées ci-dessous. (Article L. 1251-58-2 du Code du travail tel qu’il résulte du projet de loi)

 

Alternance de périodes de mission et de simple disposition du salarié

Le CDI intérimaire peut prévoir des périodes sans exécution de mission, qui sont assimilées à du temps de travail effectif pour la détermination des droits à congés payés et pour l’ancienneté.

Plus généralement, les périodes passées hors et en mission sont totalisées pour le calcul de la durée passée dans l’entreprise exigée pour être électeur ou éligible au Comité Social économique (CSE). (Article L.1251-58-8 tel qu’il résulte du projet de loi).

 

Le statut du salarié pendant l’exécution de ses missions auprès de l’entreprise utilisatrice

Pendant les missions qu’il effectue, le salarié lié par un contrat de travail à durée indéterminée avec l’entreprise de travail temporaire se voit soumis au droit commun applicable pour n’importe quel salarié exécutant des missions d’intérim, sous réserve des spécificités du statut. (Article L. 1251-58-4 du Code du travail tel qu’il résulte du projet de loi)

Le projet de loi écarte cependant expressément l’application :

  • De la période d’essai de la mission ;
  • De l’indemnité compensatrice de congés payés liée à une mission;
  • Des dispositions relatives à la rupture anticipée de la mission à l’initiative de l’entreprise de travail temporaire ou du travailleur temporaire;
  • De l’indemnité de fin de mission;
  • Du délai de carence en cas de succession de contrats.

Enfin, chacune des missions d’intérim confiées au salarié ne peut dépasser une durée totale de 36 mois, soit le double des 18 mois maximum prévu par le régime de droit commun des missions d’intérim. (Article L. 1251-58-6 du Code du travail tel qu’il résulte du projet de loi ; Article L. 1251-12-1 du Code du travail)

Rémunération du salarié soumis à un CDI intérimaire

Le mécanisme de rémunération d’un CDI intérimaire correspond en réalité à une forme de garantie de salaire, versée par l’entreprise de travail temporaire en contrepartie de la disposition du salarié pour effectuer les missions d’intérim qui lui sont confiées.

Si l’entreprise de travail temporaire est en effet tenue de lui verser une rémunération mensuelle minimale garantie au moins égale au SMIC pour un temps plein de 35 heures, la rémunération perçue par le salarié au cours des missions qu’il a effectuées pendant le mois est prise en compte.  (Article L.1251-58-3 du Code du travail tel qu’il résulte du projet de loi)

Ainsi :

  • Si le salarié a dépassé le salaire prévu par le CDI intérimaire du fait de la rémunération perçue au cours de ses missions, l’entreprise de travail temporaire ne lui doit rien ;

  • Si les missions effectuées par le salarié ne lui ont pas permis de dépasser le salaire prévu par son CDI intérimaire, l’entreprise de travail temporaire doit lui verser le complément de manière à atteindre son salaire.

 

Forme et contenu du contrat

Le projet de loi prévoit un certain formalisme qui s’impose tant pour la conclusion du CDI intérimaire en lui-même que pour les documents à rédiger et à signer pour chaque mission effectuée par le salarié.

 

Mentions obligatoires du CDI intérimaire

Le CDI intérimaire est nécessairement établi par écrit et comporte obligatoirement les mentions suivantes : (Article L.1251-58-2 du Code du travail tel qu’il résulte du projet de loi)

  1. L’identité des parties ;
  2. Le cas échéant, les conditions relatives à la durée du travail, notamment le travail de nuit ;
  3. Les horaires pendant lesquels le salarié doit être joignable pendant les périodes sans exécution de mission ;
  4. Le périmètre de mobilité dans lequel s’effectuent les missions, qui tient compte de la spécificité des emplois et de la nature des tâches à accomplir, dans le respect de la vie personnelle et familiale du salarié ;
  5. La description des emplois correspondant aux qualifications du salarié ;
  6. Le cas échéant, la durée de la période d’essai ;
  7. Le montant de la rémunération mensuelle minimale garantie ;
  8. L’obligation de remise au salarié d’une lettre de mission pour chacune des missions qu’il effectue.

Cette liste n’est pas exhaustive et le contenu du contrat peut être complété par les parties.

 

Conclusion d’un contrat de mise à disposition et établissement d’une lettre de mission pour chaque mission

Chaque mission doit obligatoirement donner lieu à (Article L. 1251-58-1 du Code du travail tel qu’il résulte du projet de loi) :

  • La conclusion d’un contrat de mise à disposition entre l’entreprise de travail temporaire et le client utilisateur, dit « entreprise utilisatrice » ;

  • L’établissement, par l’entreprise de travail temporaire, d’une lettre de mission.

La situation du salarié en contrat de travail à durée indéterminée intérimaire sera donc régie simultanément par son contrat de travail conclu avec l’entreprise de travail temporaire et par les lettres de mission.