Les nouvelles règles en matière d’obligation de reclassement sont entrées en vigueur à la fin de l’année 2017.
Les conditions dans lesquelles l’employeur satisfait à l’obligation de reclassement qui pèse sur lui en cas de licenciement économique ou d’inaptitude du salarié ont fait l’objet de réformes successives, restreignant progressivement le périmètre de reclassement.
La loi Macron du 6 août 2015 avait déjà assoupli cette obligation préalable de reclassement en réduisant le champ de recherche aux emplois disponibles situés sur le territoire national et en n'imposant une recherche de poste à l'étranger que sur demande expresse du salarié.
L’ordonnance n°2017-1387 du 22 septembre 2017 relative à la prévisibilité et la sécurisation des relations de travail ainsi que l’ordonnance n°6 du 20 décembre 2017 n° 2017-1718 vont plus loin dans cette logique pragmatique en restreignant le périmètre de reclassement aux entreprises du groupe, le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel (I).
Le décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017 relatif à la procédure de reclassement interne sur le territoire national en cas de licenciements pour motif économique, quant à lui, simplifie les modalités de diffusion des propositions de postes disponibles de reclassement aux salariés (II).
Quelles sont les nouvelles obligations de l’employeur en matière de reclassement ? Dans quel périmètre doivent s’effectuer les recherches de reclassement ? Comment l’employeur doit-il diffuser les offres de reclassement ?
Explications du nouveau régime en la matière.
UN PÉRIMÈTRE DE RECHERCHE DE RECLASSEMENT RESSERRÉ
Les nouveaux articles L.1233-4 du Code du travail en matière de licenciement économique, L.1226-2 en matière d’inaptitude d’origine non professionnelle et L.1226-10 en matière d’inaptitude d’origine professionnelle prévoient désormais que l’employeur doit rechercher un poste de reclassement au sein de l’entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Les ordonnances Macron permettent alors une unification des contours du périmètre de recherche de reclassement pour ces trois procédures mais également, dans le cadre du licenciement économique, un alignement des périmètres d’appréciation du motif économique de licenciement et de recherche de reclassement.
Zoom sur ce nouvel instrument de simplification et de sécurisation des relations de travail.
UN PÉRIMÈTRE EXCLUSIVEMENT NATIONAL
En matière de reclassement dans le cadre d’une inaptitude (d’origine professionnelle ou non) ou d’un licenciement pour motif économique, il convient désormais de distinguer selon les deux hypothèses suivantes :
- Si l’entreprise n’appartient pas à un groupe : les recherches de reclassement sont limitées à cette entreprise
- Si l’entreprise appartient à un groupe (peu important que le siège social de l’entreprise dominante soit situé en France ou à l’étranger) : le périmètre de reclassement est délimité selon 3 conditions cumulatives :
– les entreprises du groupe dans lesquelles le reclassement doit être recherché doivent être situées sur le territoire national
– leur organisation, les activités ou le lieu d’exploitation doivent assurer la permutation de tout ou partie du personnel. A ce titre l’ordonnance codifie la jurisprudence constante de la Cour de Cassation en matière de reclassement au sein du groupe (Cass. soc., 25 mars 2009, no 07-41.708 ; Cass. soc., 15 févr. 2011, no 09-67.354)
– elles doivent être contrôlées dans les conditions définies à l’article L.233-1, au I et II de l’article L.233-3 et à l’article L.233-16 du Code de Commerce
Ce n'est que si ces trois conditions sont remplies que l'employeur est tenu d'étendre sa recherche de reclassement.
Toute obligation pour l'employeur de rechercher un reclassement à l'étranger est donc aujourd'hui supprimée. L'ordonnance a, en effet, abrogé l'article L 1233-4-1 du Code du travail permettant au salarié de demander de recevoir des offres de reclassement dans les établissements de l'entreprise ou du groupe situés en dehors du territoire national.
LA NOTION DE GROUPE DÉFINIE CONFORMÉMENT AU CODE DE COMMERCE
Jusqu’à la publication des ordonnances du 22 septembre 2017, le Code du travail ne définissait pas la notion de groupe en matière de reclassement ; c’était la jurisprudence qui définissait les contours de cette notion en retenant une acception très large.
En effet, la Cour de Cassation a pu admettre l’existence d’un groupe de reclassement en dehors de tout lien capitalistique (par exemple entre des magasins d'une même enseigne (Cass. soc. 27-11-2013 n° 12-18.470) ou entre des associations ayant la même activité (Cass. soc. 9-3-2017 n° 15-23.256).
Les nouveaux articles L.1233-4 du Code du travail en matière de licenciement économique, L.1226-2 en matière d’inaptitude d’origine non professionnelle et L.1226-10 en matière d’inaptitude d’origine professionnelle prévoient désormais que la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l’article L.233-1, aux I et II de l’article L.233-3 et à l’article L.233-16 du code de commerce.
L’ordonnance retient donc une définition du groupe de reclassement plus restrictive que la jurisprudence dans la mesure où il est renvoyé à la notion de groupe au sens du comité de groupe de l’article L.2331-1 du Code du travail, lequel renvoie à la définition posée par le Code de commerce.
Quelles entreprises constituent désormais le groupe ?
- Les filiales c’est à dire les entreprises dont plus de la moitié du capital est possédée par l’entreprise dominante (C.Com article L.233-1)
- Les entreprises contrôlées par l’entreprise dominante au sens du I- et II- de l’article L.233-3 du Code de Commerce
- Les entreprises contrôlées exclusivement par l’entreprise dominante au sens de l’article L.233-16 du Code de Commerce
ENTRÉE EN VIGUEUR DE CE NOUVEAU PÉRIMÈTRE
Cette nouvelle délimitation de l’obligation de recherche de reclassement est applicable pour les inaptitudes prononcées depuis le 22 décembre 2017 (lendemain de la publication de l’ordonnance n°6 au Journal Officiel) et pour les procédures de licenciement économique engagées après le 23 septembre 2017 (lendemain de la publication de l’ordonnance du 22 septembre au Journal Officiel)
UNE DIFFUSION DES OFFRES DE RECLASSEMENT SIMPLIFIÉE
Le décret n° 2017-1725 du 21 décembre 2017 relatif à la procédure de reclassement interne sur le territoire national en cas de licenciements pour motif économique a assoupli les modalités de proposition des offres de reclassement aux salariés.
La proposition de reclassement n'est plus nécessairement personnalisée.
En effet, le nouvel article L. 1233-4 du Code du travail crée une option pour l’employeur qui pourra :
– soit adresser de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ;
– soit diffuser par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés (sur l’intranet de l’entreprise par exemple).
Jusqu’à présent, la Cour de cassation jugeait insuffisante la simple mise à disposition, à l’ensemble du personnel, d’une liste de postes disponibles (Cass. soc., 26 sept. 2006, n° 05-43.841).
L’alinéa 5 de l’article L.1233-4 du Code du travail rappelle la règle déjà existante selon laquelle cette offre de reclassement doit être écrite et précise.
L’article D. 1233-2-1 modifié du Code du travail prévoit que ces offres, quel que soit leur mode de diffusion, doivent préciser :
- L’intitulé du poste et son descriptif
- Le nom de l’employeur
- La nature du contrat de travail
- La localisation du poste
- Le niveau de rémunératio
- La classification du poste
Le décret a en réalité consacré les différentes exigences posées par la jurisprudence de la Cour de cassation pour qu’une offre de reclassement soit “précise”.
L’article D. 1233-2-1 précise que l'employeur adresse des offres de reclassement de manière personnalisée ou communique la liste des offres disponibles aux salariés, et le cas échéant l'actualisation de celle-ci, par tout moyen permettant de conférer date certaine.
Si les offres de reclassement sont diffusées via une liste, celle-ci comprend :
- les postes disponibles situés sur le territoire national dans l’entreprise et les autres entreprises du groupe auquel elle appartient ;
- les critères de départage entre salariés en cas de candidature multiples sur un même poste ;
- le délai dont dispose le salarié pour présenter sa candidature écriteCe délai ne peut être inférieur à quinze jours francs à compter de la publication de la liste, sauf lorsque l'entreprise fait l'objet d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire. Dans ces cas précis, le délai ne peut être inférieur à quatre jours francs à compter de la publication de la liste.L'absence de candidature écrite du salarié à l'issue de ces délais vaut refus des offres.
ENTRÉE EN VIGUEUR DE CES NOUVELLES MODALITÉS DE DIFFUSION DES OFFRES
Cette mesure est entrée en vigueur le 23 décembre 2017 (lendemain de la publication au Journal Officiel du décret du 21 décembre 2017).
TABLEAU COMPARATIF DE L’OBLIGATION DE RECLASSEMENT, AVANT ET APRÈS LES ORDONNANCES MACRON
Le tableau ci-dessous récapitule les modifications apportées par les ordonnances en matière de reclassement :
Avant l’entrée en vigueur des ordonnances du 22 septembre et 20 décembre et du décret du 21 décembre 2017 | Après l’entrée en vigueur des ordonnances du 22 septembre et 20 décembre et du décret du 21 décembre 2017 | |
Périmètre de recherche du reclassement | L’entreprise. En cas d’appartenance à un groupe de dimension nationale : recherches étendues aux entreprises du groupe dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, même en l’absence de lien capitalistique entre elles. En cas d’appartenance à un groupe de dimension internationale : recherches étendues aux entreprises du groupe implantées à l’étranger sur demande expresse du salarié, l’employeur devant informer celui-ci de cette possibilité | L’entreprise. En cas d’appartenance à un groupe de dimension nationale ou internationale : recherches étendues aux entreprises du groupe situées en France uniquement, au sens du droit commercial, dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation permettent d’effectuer la permutation de tout ou partie du personnel. |
Proposition de poste de reclassement | Écrite, précise et personnalisée | Écrite, précise et : - Soit adressée de manière personnalisée, - Soit diffusée par tout moyen sous forme de liste de postes disponibles |