Le droit de retrait est régi par les articles L.4131-1 et suivants du Code du travail, indissociable du droit d’alerte prévu par les mêmes dispositions.
L’employeur doit assurer la santé et la sécurité des travailleurs et mettre fin aux situations dangereuses. Le corollaire de cette obligation de sécurité est que le salarié peut se retirer de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu'elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu'il constate dans les systèmes de protection. L’exercice de ce droit de retrait permet au salarié d’arrêter son travail, sans autorisation préalable, pour se mettre en sécurité.
L’existence d’un motif raisonnable
Il n’existe pas de définition précise de la notion de « motif raisonnable » : il s’agit d’une appréciation subjective qui constitue le fondement de l’exercice du droit de retrait. Il n’est donc pas nécessaire que le danger grave et imminent existe effectivement ; il suffit que le salarié ait un motif raisonnable de penser qu’il existe au moment de l’exercice de son droit de retrait. Il appartient aux juges du fond, et non à l’employeur, d’apprécier souverainement le bien-fondé du « motif raisonnable de penser », du point de vue du salarié, au regard de ses connaissances et de son expérience.
L’existence d’un danger grave et imminent
La circulaire du 25 mars 1993 (n°93-15) a précisé, même si le juge apprécie au cas par cas, la notion de danger grave et imminent :
- Un danger est grave lorsqu’il est susceptible de produire un accident ou une maladie entrainant la mort ou paraissant devoir entrainer une incapacité permanente ou temporaire prolongée.
- Un danger est imminent lorsqu’il est susceptible de se réaliser brutalement dans un délai rapproché.
Le droit de retrait implique donc un danger exceptionnel, de nature à provoquer une atteinte sérieuse à l'intégrité physique d'un travailleur, nécessitant une réponse urgente.
Pour la jurisprudence, est par exemple justifié le droit de retrait du salarié justifiant de la nécessite d’une mesure de protection collective destinée à empêcher les chutes de personnes (Cass. soc. 9 mai 2000 n°97-44.234), d’une température de 2° sur le lieu de travail (CA Paris 22ème chambre section C du 7 juin 1988) ou encore, de problèmes d’allergies en lien avec le poste (Cass. soc. 20 mars 1996 n°93-40.111).
Les droits et obligations des parties
Le droit de retrait nécessite que soit utilisée, préalablement ou simultanément, la procédure d’alerte de l’employeur. Ainsi, lorsque le salarié exerce son droit de retrait, il a l’obligation de prévenir immédiatement et par tout moyen l’employeur. Ce droit d’alerte s’effectue sans formalisme particulier.
Par ailleurs, lorsqu’il exerce son droit de retrait, le salarié doit veiller à ne pas générer pour autrui une nouvelle situation de danger grave et imminent. Si tel est le cas, le salarié commet une faute que l’employeur pourrait sanctionner.
Enfin, les travailleurs disposent du droit d’effectuer leur droit de retrait de manière collective dès lors que chaque salarié se croit effectivement menacé par un danger grave et imminent et qu’il en informe individuellement son employeur (Cass. soc. 22 octobre 2008 n°07-43.740).
Du côté de l’employeur, un certain nombre d’obligations pèsent sur lui lorsqu’un ou plusieurs salariés utilisent leur droit de retrait. La première consiste à prendre toutes les mesures et donner les instructions nécessaires pour permettre aux travailleurs, en cas de danger grave et imminent, d'arrêter leur activité et de se mettre en sécurité en quittant immédiatement le lieu de travail (article L.4132-5 du Code du travail). L’entreprise peut également proposer au salarié d’être affecté à un autre poste adapté à ses compétences, dans l’attente de la réalisation des mesures préventives nécessaires.
La direction ne peut en aucun cas contraindre le salarié à reprendre le travail tant que le danger persiste, ni prononcer une mesure disciplinaire, notamment un licenciement, si l’exercice du droit de retrait est régulier, sous peine de nullité de la mesure (Cass. soc. 28 janvier 2009 n°07-44.556). L’employeur ne doit pas non plus appliquer de retenue sur salaire durant la durée du retrait exercé de manière légitime.
A l’inverse, toute utilisation abusive du droit de retrait, c’est-à-dire lorsque les conditions d’exercice régulier de ce droit ne sont pas remplies, pourra justifier une mesure disciplinaire, voire un licenciement, et exposer le salarié à une retenue sur salaire. La Cour de Cassation a notamment jugé qu’une salariée ne pouvait prétendre avoir un motif raisonnable de penser que les courants d'air sur son lieu de travail présentaient un danger grave et imminent pour sa vie et sa santé et a alors retenu que le fait de quitter son bureau sans autorisation préalable pour aller s'installer dans un autre local et le refus de réintégrer son bureau d'origine constituaient des actes caractérisés d'indiscipline justifiant le licenciement de cette salariée (Cass. soc. 17 octobre 1989 n°86-43.272).
Lorsque l’employeur considère qu’il n’existe pas (ou plus) de danger grave et imminent, il peut ordonner au salarié de retourner à son poste de travail.