CANICULE : COMMENT PRÉSERVER LA SANTE DES SALARIES ?

 

En raison des fortes chaleurs qui touchent actuellement la France le Ministère des solidarités et de la santé a activé depuis le 23 juin 2019 le niveau 3 « Alerte canicule » de vigilance des plans de gestion de la canicule dans plusieurs départements de la France métropolitaine.

Cet épisode caniculaire concerne pleinement les employeurs qui, légalement tenus d’une obligation de sécurité de résultat à l’égard de leurs salariés, doivent prendre les mesures nécessaires pour en limiter les effets.

Le cabinet SILEAS vous propose un tour d’horizon des obligations auxquelles sont tenus les employeurs afin de préserver la santé de leurs salariés.  

 

Anticiper les risques liés à l’exposition des salariés aux fortes chaleurs

 

L’obligation de prévention

En vertu de l’article L. 4121-1 du Code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité de résultat et doit à ce titre prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger ses salariés des risques pour leur santé, dont ceux liés à l’exposition de fortes chaleurs.

Il doit par ailleurs veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement de circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

Afin d’anticiper les risques liés à l’exposition des salariés aux fortes chaleurs, l’employeur doit :

  • évaluer les risques liés aux ambiances thermiques dans le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUER) et établir un plan d’action de prévention de ce risque (article R. 4121-1 du Code du travail).
  • vérifier que la ventilation, l’aération et l’assainissement des locaux de travail sont correctes et conformes à la règlementation et, dans les locaux à pollution non spécifique, s’assurer d’une aération par ventilation mécanique ou naturelle et permanente (articles R. 4222-1 à R. 4222-9 du Code du travail)
  • aménager les postes extérieurs pour protéger les travailleurs contre les conditions atmosphériques, tels que des zones d’ombre, des abris ou aires climatisées (article R. 4225-1 du Code du travail)
  • concevoir les équipements et caractéristiques des locaux de travail de manière à permettre l’adaptation de la température à l’organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques pour les travailleurs (article R. 4213-7 du Code du travail)

En ce qui concerne les travailleurs dans le secteur du BTP, l’employeur doit prévoir un local permettant l’accueil des salariés dans des conditions qui permettent la préservation de leur santé ainsi que de leur sécurité en cas de survenance de conditions climatiques, telle que la canicule, susceptible d’y porter atteinte.

A défaut d’un tel local, des aménagements du chantier doivent être effectués afin de protéger la santé et la sécurité des salariés dans des conditions équivalentes (article R. 4534-142-1 du Code du travail).

 

L’appui de l’administration du travail

Une instruction interministérielle du 22 mai 2018, reconduisant les dispositions du plan canicule de 2017, prévoient que les Direccte ont pour mission d’inciter les entreprises à adapter l’organisation du travail en prévision de fortes chaleurs, et dans ce cadre :

  • mobiliser les services de santé au travail, par le biais des médecins inspecteurs du travail, afin que les médecins du travail conseillent les employeurs quant aux précautions à prendre à l’égard des salariés, surtout ceux qui sont les plus exposés aux risques liés à la canicule, et en informent correctement leurs salariés ;
  • prévoir une vigilance accrue de l'inspection du travail dans les secteurs d'activités les plus concernés par les risques liés à la canicule et aux ambiances thermiques, en particulier le bâtiment et les travaux publics, mais aussi d’autres secteurs (notamment : restauration, boulangerie, pressing). Ont également vocation à requérir de la vigilance, la conduite de véhicules, les emplois saisonniers à l’extérieur (ex. plages), etc.

 

Les recommandations du Haut conseil de la santé publique

Des recommandations sanitaires à destination des employeurs ont été établies par le Haut conseil de la santé publique et sont consultables sur le site internet de l’institution (www.hcsp.fr) et ceux du ministère des Solidarités et de la Santé (www.solidarites-sante.gouv.fr) et du ministère du Travail (www.travail-emploi.gouv.fr).

Il est ainsi conseillé aux employeurs de :

  • solliciter le médecin du travail afin qu’il élabore un document à afficher en cas d’alerte météorologique (brochures et affiches sont également disponibles sur le site de l'INRS, fr ainsi que sur le site de l'Inpes, www.inpes.sante.fr) ;
  • informer et consulter le comité social et économique (CSE) sur les recommandations à mettre en œuvre en cas de fortes chaleurs et les afficher;
  • organiser une surveillance de la température ambiante des lieux de travail ;
  • contrôler que les adaptations techniques permettant de limiter les effets de la chaleur ont été mises en place, ainsi que, éventuellement, des mesures correctives sur les bâtiments ou locaux existants (stores, volets, faux plafonds, rafraîchissement d’ambiance, ventilation forcée de nuit, films antisolaires sur les parois vitrées, etc.) ;
  • vérifier la ventilation des locaux de travail ;
  • prévoir une organisation du travail permettant de réduire les cadences si nécessaire, d’alléger les manutentions manuelles et d’adapter le rythme de travail.

 

Faire face à l’exposition des salariés aux fortes chaleurs

 

Les obligations légales de l’employeur pendant la canicule

L’employeur doit :

  • mettre gratuitement à disposition des salariés devant se désaltérer fréquemment lors de circonstances de travail particulières au moins une boisson non alcoolisée. La liste des postes concernés est établie par l’employeur, après avis du médecin du travail et du CSE (article R. 4225-3 du Code du travail).

Les travailleurs du BTP doivent disposer d’eau potable fraiche pour la boisson, au moins 3 litres par jour et par salarié sur les chantiers du BTP (articles R. 4225-2 et R. 4534-143 du Code du travail).

 

Les recommandations du Haut conseil de la santé publique

Le Haut Conseil de la Santé Publique préconise :

  • d’informer tous les salariés des risques, des moyens de prévention, des signes et symptômes du coup de chaleur (document établi par le médecin du travail, notamment), ainsi qu’informer et consulter le CSE ;
  • de surveiller la température ambiante des lieux de travail ;
  • de vérifier que les adaptations techniques permettant de limiter les effets de la chaleur ont été mises en place et sont fonctionnelles ;
  • de vérifier que des sources d’eau potable fraîche sont mises à la disposition des salariés à proximité des postes de travail et en quantité suffisante ;
  • de mettre à la disposition des salariés des moyens utiles de protection (ventilateurs d’appoint, brumisateurs d’eau minérale, vaporisateurs d’humidification, etc.) ;
  • d’aménager les horaires de travail dans la mesure du possible (début d’activité plus matinal, suppression des équipes d’après-midi, etc.) ;
  • d’organiser des pauses supplémentaires ou plus longues aux heures les plus chaudes, si possible dans des locaux plus frais ;
  • de mettre en œuvre une organisation du travail adaptée, permettant d’adapter le rythme de travail (en réduisant les cadences si nécessaire) et d’alléger les manutentions manuelles ;
  • d’inciter les travailleurs à se surveiller mutuellement pour déceler les signes de coup de chaleur ou de déshydratation grave et les signaler à l’employeur et au médecin du travail ;
  • de s’assurer que le port des protections individuelles est compatible avec les fortes chaleurs ;
  • mettre en place des protections pour éviter tout contact corporel avec les surfaces métalliques, exposées directement au soleil ;
  • enfin, d’organiser l’évacuation des locaux si la température intérieure atteint ou dépasse 34 °C en cas de défaut prolongé du renouvellement de l’air (recommandation CNAM R.226).

Il est également important de préciser que les salariés eux-mêmes doivent être acteurs de leur protection en cas de fortes chaleurs, notamment en s’hydratant régulièrement.

A préciser toutefois que la chaleur n’exonère pas les salariés de l’obligation de venir travailler en tenue correcte, en particulier s’ils sont en contact avec la clientèle (Cass. soc., 28 mai 2003, nº 02-40.273 et Cass. soc., 12 novembre 2008, nº 07-42.220 : à propos du port d’un bermuda).

Sachez enfin que dans le cadre du droit de retrait, le Code du travail permet aux salariés ayant un motif raisonnable de penser qu’ils se trouvent dans une situation de travail présentant un « danger grave et imminent » pour leur vie ou leur santé, d’arrêter leur travail, à condition d’en alerter immédiatement l’employeur. Aucune sanction ne peut être infligée aux salariés ayant exercé légitimement ce droit de retrait (C. trav., art. L. 4131-1 et L. 4131-3). L’exposition à des fortes chaleurs pourrait entrer dans ce cadre.

 

La solution de l’activité partielle

L’article R. 5122-1 du Code du travail dispose que :

« L’employeur peut placer ses salariés en position d’activité partielle lorsque l’entreprise est contrainte de réduire ou de suspendre temporairement son activité pour l’un des motifs suivants : […]

  • un sinistre ou des intempéries de caractère exceptionnel ;
  • toute autre circonstance de caractère exceptionnel ».

Dès lors, dans l’hypothèse où la canicule présente un caractère exceptionnel, elle devrait permettre à l’employeur de recourir au dispositif d’activité partielle s’il est contraint de réduire ou suspendre temporairement l’activité des salariés.

Dans un communiqué de presse relatif à la canicule, publié le 15 juillet 2015 sur son site internet, le ministère du Travail avait d’ailleurs indiqué que les entreprises peuvent « procéder à une demande d’indemnisation, au titre de l’activité partielle liée à des circonstances exceptionnelles ».

L’employeur doit avant tout effectuer une demande d’autorisation d’activité partielle au préfet du département où est implanté l’établissement concerné, après avis préalable du CSE.

L’employeur a l’obligation d’indemniser ses salariés placés en activité partielle, mais il peut être indemnisé au titre de l’allocation d’activité partielle, la demande devant être adressée à l’Agence de services et de paiement (articles L. 5122-1 et suivants et R. 5122-1 et suivants du Code du travail).