Comment élaborer et utiliser le règlement intérieur d’entreprise ?

 

Par un arrêt du 21 juin 2018, la Cour de cassation rappelle que pour demeurer un outil efficace à disposition de l’employeur, le règlement intérieur de l’entreprise doit répondre aux exigences légales et réglementaires.

La Cour a en effet jugé que pour rendre opposable le règlement intérieur à ses salariés, l’employeur doit être en mesure de justifier de l’accomplissement des formalités entourant son dépôt. (Cass. Soc. 21 juin 2018 n°16-22.803)

Pour rappel, le règlement intérieur est un document qui précise un certain nombre d’obligations, notamment en matière d’hygiène, de sécurité ou de sanctions, que le salarié et l’employeur doivent respecter au sein de l’entreprise.

Les notes de service ou tout autre document comportant des obligations générales et permanentes dans les mêmes matières sont, lorsqu’il existe un règlement intérieur, considérées comme des adjonctions à celui-ci et soumises aux mêmes règles. (Article L.1321-5 du Code du travail)

Le cabinet Siléas vous propose de revenir sur ce document et d’aborder notamment les questions suivantes :

  • Que peut-on prévoir dans son règlement intérieur ?
  • Quand l’employeur doit-il mettre en place un règlement intérieur ?
  • Comment élaborer le règlement intérieur ?

 

Que peut-on prévoir dans son règlement intérieur ?

Il doit être précisé en premier lieu que le règlement intérieur, ainsi que tout document comportant des obligations pour le salarié ou dont la connaissance est nécessaire pour l’exécution de son travail, doit être rédigé en français.

Il peut être accompagné de traductions en une ou plusieurs langues étrangères, ou, lorsqu’il est destiné à des étrangers, être rédigé dans une autre langue. (Article L.1321-6 du Code du travail)

Concernant le contenu du règlement intérieur, celui-ci est strictement encadré par la loi qui en fixe limitativement le contenu.

 

Ce que le règlement intérieur peut contenir

Le règlement intérieur fixe exclusivement (Article L.1321-1 du Code du travail) :

  • Les mesures d’application de la réglementation en matière d’hygiène, de santé et de sécurité dans l’établissement ;
  • Les règles de discipline et les droits de la défense des salariés ;
  • Le cas échéant, des dispositions inscrivant le principe de neutralité dans l’entreprise. (Article L.1321-2-1 du Code du travail)

 

Les clauses du règlement intérieur en matière d’hygiène et de sécurité

Le règlement intérieur doit contenir un certain nombre de clauses relatives à l’hygiène et la sécurité dans l’entreprise (Article L.1321-1 du Code du travail).

Il doit ainsi préciser : 

  • Les mesures d'application de la réglementation en matière de santé et de sécurité dans l'entreprise ou l'établissement, notamment les instructions que les salariés doivent respecter pour prendre soin de leur santé et sécurité ainsi que de celles des autres.
  • Les conditions dans lesquelles les salariés peuvent être appelés à participer, à la demande de l'employeur, au rétablissement de conditions de travail protectrices de la santé et de la sécurité des salariés, dès lors qu'elles apparaîtraient compromises.
  •  En outre, le règlement intérieur peut :

Limiter ou interdire toute consommation de boissons alcoolisées sur le lieu de travail, lorsque cette consommation est susceptible de porter atteinte à la sécurité et la santé physique et mentale des travailleurs. (Article R.4228-20 du Code du travail

Prévoir la possibilité de soumettre les salariés à un éthylotest, dès lors que leur état d’ébriété serait de nature à exposer les personnes ou les biens à un danger et que les modalités de ce contrôle en permettent la contestation ( Soc. 24 février 2004 n°01-47.000).

Prévoir la possibilité de soumettre les salariés à des tests salivaires pour détecter l’usage de produits stupéfiants, dès lors que ce contrôle ne concerne que les postes pour lesquels l’emprise de drogue constitue un danger pour leur titulaire ou les tiers, que le secret professionnel est préservé concernant les résultats obtenus et que le salarié a le droit d’obtenir une contre-expertise à la charge de l’employeur. (Conseil d’Etat, 5 décembre 2016 n°394178)

Prévoir la possibilité de fouilles des salariés, s’il précise :

  1. Qu’il ne sera procédé à une telle vérification qu'en cas de nécessité, notamment à la suite de disparitions de matériel ou s'il existe des risques particuliers de vol dans l’entreprise ;
  2. Que le salarié sera averti de son droit de s'opposer à un tel contrôle et d'exiger la présence d'un témoin ;

  3. Que ce contrôle sera effectué dans des conditions préservant la dignité et l'intimité de la personne. (Conseil d’Etat, 11 juillet 1990 n°86022)

  • Préciser l’obligation pour les salariés de se présenter aux visites médicales et examens complémentaires prévus par la règlementation en vigueur. ( DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16)
  • Rappeler l’obligation pour le salarié d’informer l’employeur de tout accident de travail dont il est victime et y rajouter l’obligation d’informer l’employeur des accidents du travail dont il est témoin. (Conseil d’Etat, 4 mai 1988 n°68032)

 

Les clauses du règlement intérieur en matière de discipline

Le règlement intérieur constitue, en matière de discipline, le document de référence de l’entreprise. (Article L.1321-1 du Code du travail)

L’obligation de respecter les horaires de travail ;

L’obligation de prévenir en cas d’absence ou de retard ;

L’obligation de demander des autorisations d’absence ;

L’interdiction de se déplacer sans avertir ou sans être remplacé à son poste lorsqu’il s’agit soit de personnes dont la présence permanente est nécessaire pour surveiller le fonctionnement d’une machine, soit de personnes qui ont des contacts permanents avec la clientèle (exemple : standardiste, hôtesse d’accueil...) ;

L’obligation d’obéissance aux ordres hiérarchiques dans l’exécution des tâches confiées.

  • Le règlement intérieur détermine également la nature et l'échelle des sanctions que peut prendre l’employeur.

Sans qu’il puisse en être dressé une liste exhaustive, l’échelle des sanctions qui existe déjà dans de nombreux règlements intérieurs et dans les conventions collectives comporte généralement dans un ordre croissant (Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16):

L’avertissement ou le blâme ;

La mise à pied disciplinaire ;

La mutation ;

La rétrogradation ;

Le licenciement.

Dès lors que cette échelle est fixée, elle délimite le pouvoir disciplinaire de l’employeur, qui ne peut prononcer que des sanctions qui y sont prévues. (Cass. Soc. 26 octobre 2010 n°09-42.740) 

  • L’employeur doit rappeler dans le règlement intérieur les dispositions relatives aux droits de la défense des salariés contenues dans la convention collective applicable ou dans le Code du travail, à savoir pour ce dernier (Article L.1321-2 du Code du travail) :

L’obligation d’information du salarié des griefs retenus contre lui en cas de sanction (Article L.1332-1 du Code du travail)

Le respect de la procédure disciplinaire (notamment convocation à un entretien préalable avec possibilité de se faire assister, recueil des explications du salarié et motivation de la sanction, notifiée selon le délai légal) (Article L.1332-2 du Code du travail)

Le respect de la procédure précitée pour prononcer une sanction faisant suite à une mise à pied à titre conservatoire. (Article L.1332-3 du Code du travail)

 

Les dispositions inscrivant le principe de neutralité dans l’entreprise

  • Le règlement intérieur peut contenir des dispositions inscrivant le principe de neutralité et restreignant la manifestation des convictions des salariés si ces restrictions sont (Article L.1321-3 du Code du travail) :

Justifiées par l'exercice d'autres libertés et droits fondamentaux ou par les nécessités du bon fonctionnement de l'entreprise ;

Et

Proportionnées au but recherché.

  • Le règlement intérieur peut interdire le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail dès lors que la clause de neutralité du règlement est générale, indifférenciée et ne s’applique qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients. (Cass. Soc. 22 novembre 2017 n°13-19.855)

 

Ce que le règlement intérieur ne peut pas contenir

En application de l'article L.1321-3 du Code du travail, le règlement intérieur ne peut contenir :

  • Des dispositions contraires aux lois et règlements ainsi qu'aux stipulations des conventions et accords collectifs de travail applicables dans l'entreprise ou l'établissement ;

L’employeur est donc tenu, par exemple, d’écarter l’application des clauses d’un règlement intérieur qui sont contraires à une disposition de la convention collective. (Cass. Soc. 7 novembre 2006 n°04-41.390)

  • Des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ;

Par exemple, il a été jugé qu’un règlement intérieur ne peut valablement prévoir que « les caissières et vendeuses ne doivent pas accepter le passage à leur caisse de clients membres de leur famille (conjoint, ascendants, descendants, frère, sœur) ». (Conseil d’Etat, 9 décembre 1994 n°119233) 

  • Des dispositions discriminant les salariés dans leur emploi ou leur travail, à capacité professionnelle égale, en raison de leur origine, de leur sexe, de leurs moeurs, de leur orientation sexuelle, de leur âge, de leur situation de famille ou de leur grossesse, de leurs caractéristiques génétiques, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales ou mutualistes, de leurs convictions religieuses, de leur apparence physique, de leur nom de famille ou en raison de leur état de santé ou de leur handicap.

 

Quand l’employeur doit-il mettre en place un règlement intérieur ?

Actuellement, l’établissement d'un règlement intérieur est obligatoire dans les entreprises ou établissements employant habituellement au moins vingt salariés. (Article L.1311-2 du Code du travail)

  • Si le projet de loi PACTE (« Plan d’Action pour la Croissance et la Transformation des Entreprises »), adopté en Conseil des ministres le 18 juin 2018, venait à s’appliquer, l’employeur ne serait obligé d’établir un règlement intérieur qu’à l’issue d’un délai d’un an à compter de la date à laquelle le seuil d’au moins 50 salariés a été atteint dans l’entreprise ou l’établissement.

 

A quel niveau s’apprécie le seuil d’effectif ?

L’administration a précisé que le seuil d'effectif à partir duquel le règlement intérieur est obligatoire doit s'apprécier au niveau de l'entreprise, y compris lorsque celle-ci comporte des établissements distincts. (Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16)

Il est ajouté que :

  • Si aucun établissement n'atteint vingt salariés, le règlement intérieur est unique et adopté au niveau de l'entreprise.
  • Si un ou plusieurs établissements atteignent vingt salariés, une procédure propre à chaque établissement doit, en principe et au terme des dispositions de la loi, être mise en œuvre. Toutefois, cela n'interdit pas l'adoption d'un règlement de contenu identique, si, évidemment les caractéristiques du travail dans les établissements sont les même (Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16 ; Conseil d’Etat 5 mai 1993 n°96676)

 

Dans quel délai le règlement intérieur doit-il être mis en place à compter du franchissement du seuil ?

L’engagement de la procédure d’établissement du règlement intérieur devient obligatoire (Article R.1321-5 du Code du travail ; Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16):

  • Au bout de trois mois, si le seuil de vingt salariés a été franchi en continu durant cette période ;
  • Au bout de six mois dans le cas contraire.

 

La mise en place d’un règlement intérieur est-elle possible en dessous du seuil de vingt salariés ?

L’établissement d’un règlement intérieur est également possible dans les entreprises de moins de vingt salariés.

Lorsqu'elles envisagent d'établir un tel document, les entreprises doivent toutefois respecter toutes les obligations légales qui s’y réfèrent. L’administration précise qu’elle ne « saurait considérer, en effet, que là où le règlement intérieur n'est pas obligatoire il puisse avoir un contenu et un mode d'élaboration différents de ceux que la loi a fixés. » (Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16)

 

Comment élaborer le règlement intérieur ?

Le règlement intérieur a le caractère d'acte unilatéral de l'employeur, dont il traduit le pouvoir d'organisation et de direction de l'entreprise.

C'est donc l'employeur qui doit établir le projet de règlement intérieur et qui a la responsabilité́ du bon aboutissement de la procédure préalable à l'entrée en vigueur du règlement. (Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16)

L’employeur doit en effet pour établir un règlement intérieur :

  1. Soumettre le règlement intérieur à l’avis du Comité social et économique (ou du comité d'entreprise ou, à défaut, des délégués du personnel ainsi que, pour les matières relevant de sa compétence, à l'avis du comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) (Article L.1321-4 du Code du travail)

L’administration précise que « cet avis est constitué́ soit par le compte rendu de la réunion du comité́ d'entreprise, soit par un document écrit rendant compte de la consultation des délégués du personnel. » (Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16)

Si l’entreprise a mis en place un CSE, l’avis doit logiquement être constitué par le compte rendu de la réunion du comité social et économique.

A défaut de consultation, le règlement intérieur et sa révision sont inopposables aux salariés (Cass. Soc. 11 février 2015 n°13-16457), de sorte que l’employeur ne peut reprocher à un salarié un manquement aux obligations qui y sont édictées. (Cass. Soc. 9 mai 2012 n°11-13687)

Dans les entreprises qui n'ont pas de représentant du personnel (c’est à dire en présence d’un procès-verbal de carence ou dans les entreprises de moins de 11 salariés), l’employeur est dispensé de cette obligation de consultation. Pour compenser, l'inspecteur du travail pourra procéder aux enquêtes qu'il jugera utiles. (Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16)

Une fois l’avis des représentants du personnel recueilli, l’employeur peut alors, dans le même temps :

2. Communiquer le règlement intérieur en deux exemplaires à l’inspecteur du travail, accompagné de l’avis des représentants du personnel. (Article L.1321-4 du Code du travail ; R.1321-4 du Code du travail)

3. Porter, par tout moyen, le règlement intérieur à la connaissance des personnes ayant accès aux lieux de travail ou aux locaux où se fait l’embauche. (Article R.1321-1 du Code du travail)

Le plus souvent, cela est fait par voie d’affichage.

4. Déposer le règlement intérieur au greffe du Conseil de prud’hommes dans le ressort duquel est situé l’entreprise ou l’établissement. (Article R.1321-2 du Code du travail)

Cette procédure s’applique également pour la modification ou le retrait de clauses du règlement intérieur. (Article L.1321-4 du Code du travail)

Le règlement intérieur indique la date de son entrée en vigueur, qui doit être au minimum postérieure d'un mois à l'accomplissement de la dernière formalité de dépôt (au greffe du Conseil de prud’hommes) ou de publicité (communication aux personnes ayant accès aux lieux de travail). (Article L.1321-4 du Code du travail)

La saisine de l’inspection du travail n’ayant pas un caractère suspensif, une fois le délai d’un mois écoulé, le règlement peut entrer en vigueur même si l’inspection n’a pas fait connaître ses observations. (Circ. DRT no 5-83, 15 mars 1983, BO Trav. no 83/16)