Désignation et formation des conseillers prud’hommes : qu’est ce qui change ?

 

Le Conseil de prud’hommes est une juridiction originale, non composée de magistrats professionnels mais de salariés et d’employeurs aussi appelés conseillers prud’hommes.

Ces conseillers, auparavant élus, font aujourd’hui l’objet de nouvelles modalités de désignation. Leurs devoirs ont également été précisés.

En effet, l’ordonnance n° 2016-388 du 31 mars 2016 relative à la désignation des conseillers prud'hommes, a mis en place un nouveau système qui est entré en vigueur le 1er février 2017. Plusieurs décrets d’application ont alors suivi dont :

 

Quand seront désignés les nouveaux conseillers?

Les nouveaux mandats prendront effet le 1er janvier 2018 jusqu’au 31 décembre 2021. En vertu de l’article L. 1441-1 du Code du travail, les conseillers prud’hommes seront nommés conjointement par les ministres de la justice et du travail par conseil de prud’hommes, collège et section, sur proposition des organisations syndicales et professionnelles, avant le 31 décembre 2017.

Cette nomination devra s’effectuer tous les 4 ans, durant l’année suivant chaque cycle de mesure de l’audience syndicale pour le collège salarié et de l’audience patronale pour le collège employeur en vertu de l’article L. 1441-2 du Code du travail.

Sachez que les conseillers prud’hommes nommés à l'issue du renouvellement des mandats prennent leurs fonctions, le jour de l'installation publique du conseil de prud'hommes à l'occasion de l'audience solennelle.

 

Les modalités de la désignation

Afin de désigner les conseillers, chaque organisation représentative de salariés et d’employeurs se voit attribuer, par un arrêté conjoint des ministres de la justice et du travail, un nombre de sièges à pourvoir dans les différentes sections de chaque conseil de prud’hommes (encadrement, commerce, industrie, agriculture, activités diverses).

Dans le cadre de cette répartition, l’administration doit tenir compte de la mesure de l’audience du syndicat, c’est-à-dire du score obtenu lors des dernières élections professionnelles.

L’article L. 1441-4 du Code du travail dispose en effet que :

  • Pour les organisations syndicales salariées, la mesure de l’audience est fonction des suffrages obtenus au niveau départemental par chaque organisation au regard des règles de l’article 2121-1 du Code du travail. Cet article précise que l'audience est établie selon les niveaux de négociation conformément aux articles L. 2122-1, 2122-5, L. 2122-6 et L. 2122-9 du même code.
  • Pour les organisations professionnelles d’employeurs, la mesure de l’audience est déterminée au niveau national. Le nombre d’entreprises employant au moins un salarié et adhérant à une organisation patronale ainsi que le nombre de salariés employés par ces mêmes entreprises sont pris en compte, chacun à hauteur de 50%.

L’article R. 1441-2 du Code du travail, en son alinéa 2, dispose quant à lui que l’arrêté d’attribution des sièges n’est pas susceptible de recours administratifs. Toutefois l’article L. 1441-5 du même code prévoit la possibilité pour une organisation syndicale ou professionnelle, de former devant le Conseil d’Etat une contestation relative à la répartition du nombre de sièges dans un délai de 15 jours à compter de la publication de l’arrêté.

En ce qui concerne le prochain mandat, le nombre de sièges attribué à chaque organisation a été fixé par un arrêté du 2 août 2017 modifiant l’arrêté en date du 5 mai 2017. La répartition est précisée au sein de son annexe.

 

Les candidats au mandat de conseiller prud’hommes

 

Qui peut se porter candidat ?

Les organisations syndicales et professionnelles avaient initialement jusqu’au 31 juillet 2017 pour déposer la liste de leurs candidats. Toutefois, le calendrier de dépôt des candidatures à la fonction de conseiller a été modifié par un arrêté du 2 août 2017 publié au Journal Officiel du 12 août 2017. Ainsi les organisations syndicales et professionnel ont maintenant jusqu’au 11 septembre 2017 pour déposer leur liste de candidat de manière dématérialisée.

Peuvent être candidat à un mandat de conseillers prud’hommes les salariés, employeurs, demandeurs d’emploi et personnes ayant cessé d’exercer une activité professionnelle, s’ils remplissent les conditions précises prévues aux articles L. 1441-6 et L. 1441-7 du Code du travail, soit :

  • Etre âgé d’au moins 21 ans ;
  • Etre de nationalité française ;
  • Avoir exercé une activité professionnelle pendant au moins 2 ans ou justifier d’un mandat prud’homal dans les 10 ans précédant la candidature ;
  • Ne pas avoir au bulletin n° 2 du casier judiciaire de mentions incompatibles avec l’exercice des fonctions prud’homales et n’être l’objet d’aucune interdiction, déchéance ou incapacité relative à leurs droits civiques.

L’article L. 1441-8 du Code du travail précise que les conditions de nationalité française et d’absence de mention au casier judiciaire ou de condamnation s’apprécient à la date de la nomination. En revanche, les conditions d’âge et d’activité et/ou de mandat s’apprécient à la date d’ouverture du dépôt des candidatures.

 

Dans quel conseil, collège et section se porter candidat ?

De la même manière que dans le système précédent, l’article L. 1441-9 du Code du travail prévoit qu’une personne ne peut être candidate à un mandat de conseiller :

  • Sur plus d’une liste de candidature,
  • Dans plus d’une section,
  • Ni dans plus d’un conseil de prud’homme, collège ou section autres que ceux au titre desquels elle remplit les conditions pour être candidate.

Pour l’essentiel, les conditions ne diffèrent pas du système de l’élection. Pouvoir être candidat dans tel ou tel conseil de prud’hommes dépend de son lieu de travail ou de son domicile. De même qu’être candidat dans tel ou tel collège et section dépend de son activité ou celle de son employeur. Seul la numérotation des articles change de sorte que les dispositions ont été déplacées aux articles L. 1441-11 à L. 1441-17 du Code du travail.

Sachez également que selon l’article L. 1441-8 du Code du travail, les conditions relatives au conseil, au collège et à la section de candidature doivent s’apprécier à la date d’ouverture du dépôt des candidatures.

 

De quelle manière les listes de candidatures sont-elles constituées ?

En vertu des articles L. 1441-18 à L. 1441-21 du Code du travail, ce sont les mandataires de liste désignés par les organisations auxquelles des sièges ont été attribués qui effectuent la déclaration des candidatures par le dépôt d’une liste de candidats pour chaque conseil de prud’hommes.

Les listes ainsi que les déclarations individuelles de candidature de chaque candidat sont déposées par voie dématérialisée à la date de clôture du dépôt des candidatures et doivent, pour être valablement enregistrées par l’administration :

  • Etre composées alternativement d’un candidat de chaque sexe ;
  • Ne pas comporter un nombre de candidats supérieur au nombre de postes attribués par section et conseil de prud’hommes.

Selon l’article L. 1441-22 du Code du travail, le mandataire de liste doit notifier à l’employeur de chacun des salariés candidats le nom du salarié de l’entreprise concerné qu’il entend présenter sur la liste des candidats, et ce à compter de la date de dépôt des candidatures.

Le fait de se porter candidat à un mandat de conseiller prud’hommes confère une protection contre le licenciement.

Depuis la réforme, l’article L. 2411-22 du Code du travail dispose qu’à compter de la date de dépôt des candidatures et pendant 3 mois après la publication de l’arrêté de nomination, les candidats ne peuvent être licenciés que sur autorisation administrative.

Sachez enfin que l’employeur est dans l’obligation d’accorder au mandataire de liste le temps nécessaire afin qu’il puisse remplir ses fonctions. S’il s’avère qu’il est également délégué syndical, le mandataire peut utiliser le crédit d’heures dont il dispose à ce titre.

 

La nomination des conseillers

 

La compétence nouvelle du ministère de la justice et du travail

Les conseillers prud’hommes ne sont plus élus mais nommés. Cette nomination intervient par arrêté pris conjointement par le Garde des Sceaux, ministre de la justice et le ministre du travail, après examen des candidatures.

Le ministre du travail contrôle d’abord la recevabilité des listes. Puis, les ministères du travail et de la justice contrôlent ensemble le fait que chaque candidature individuelle remplis toutes les conditions requises en vertu des articles R. 1441-23 et R. 1441-24 du Code du travail.

Il est à noter qu’en vertu de l’article L. 1441-24 du Code de commerce, cet arrêté peut être contesté devant le tribunal administratif dans les 10 jours suivant sa publication au Journal Officiel par tout candidat ou mandataire de liste. Le tribunal administratif statue en premier et dernier ressort ce qui signifie que le jugement ne pourra pas faire l’objet d’un appel.

 

Quid en cas de vacance de sièges en cours de mandat ?

En cas de vacance de sièges en cours de mandat, il peut être procédé à des désignations complémentaires. Les conseillers prud’hommes sont alors nommés conjointement par les ministres de la justice et du travail pour la durée du mandat restant à courir.

Les conditions et modalités de candidature sont les mêmes que celles prévues pour la désignation principale des conseillers prud’hommes.

Toutefois, la liste de candidats doit être composée, pour chaque organisation, de manière à ce que l’écart entre le nombre de femmes et d’hommes parmi le nombre de conseillers désignés dans chaque conseil soit réduit. Lorsque la liste comprend un nombre de candidats inférieur au nombre de sièges restant à pourvoir, cette dernière doit être composée de manière à diminuer l’écart entre le nombre de conseiller de chaque sexe.

Enfin, aucune liste ne peut comporter un nombre de candidats supérieur au nombre de postes restant à pourvoir par section et conseil de prud’hommes.

Notez ici que les dispositions relatives aux désignations complémentaires entreront en vigueur le 1er janvier 2018, après le renouvellement des conseillers prud’hommes.

 

Quels devoirs pour les futurs conseillers prud’hommes ?

 

Une formation initiale et continue obligatoire

Lors de leurs prochains mandats, les conseillers prud’hommes devront suivre :

  • Une formation initiale obligatoire, communes aux collèges salariés et employeurs, leur sera dispensée par l’Ecole nationale de la magistrature. L’employeur devra leur accorder 5 jours d’autorisations d’absence au conseiller à ce titre.

En vertu de l’article D. 1442-10-1 du Code du travail, cette formation initiale doit être effectuée dans un délai de 15 mois, au-delà duquel le conseiller qui n’y a pas satisfait sera considéré comme démissionnaire.

  • Une formation continue pour les conseillers occupant un emploi salarié. Ils seront autorisés à s’absenter 6 semaines par mandat.

L’article D. 1442-7 du Code du travail précise que la durée totale d'absence d'un conseiller prud'homme salarié pour sa participation à un ou plusieurs stages de formation ne peut dépasser deux semaines au cours d'une même année civile.

Ces autorisations d'absence sont accordées aux salariés à leur demande dès leur nomination, sous certaines conditions de délai :

En effet, le conseiller prud'homme est dans l’obligation d’informer son employeur de son absence pour la formation, par tout moyen conférant date certaine :

  • Au moins trente jours à l'avance, en cas de durée d'absence égale ou supérieure à trois journées de travail consécutives ;
  • Au moins quinze jours à l'avance dans les autres cas.

Cette information doit nécessairement préciser la date, la durée et les horaires du stage ainsi que le nom de l'établissement ou de l'organisme responsable.

 

Des obligations déontologiques précisées

Jusqu’à cette réforme, les obligations déontologiques à la charge des conseillers étaient peu développées. Elles se résumaient en trois points :

  • Le secret des délibérations ;
  • L’interdiction d’accepter un mandat impératif. Une telle faute annulant l’élection de la personne et aboutissant à son inéligibilité ;
  • Le devoir de remplir le service auquel il est appelé. Le conseiller étant réputé démissionnaire après refus précédé d’une mise en demeure.

Plusieurs obligations déontologiques ont été ajoutées par la réforme au sein du nouvel article L. 1421-2 du Code du travail.

Les conseillers prud’hommes doivent ainsi exercer leurs fonctions :

  • Avec indépendance, impartialité et probité.
  • De façon à exclure tout doute légitime en s’abstenant notamment de tout acte ou comportement public incompatible avec leurs fonctions.
  • De façon à s’interdire d’entraver le fonctionnement des juridictions par une action concertée.

Ces dispositions sont entrées en application dès la publication de la loi, c’est-à-dire dès le 7 août 2015.

 

La création d’une commission nationale de discipline

Afin de pouvoir sanctionner le conseiller qui manque à ses devoirs, une commission nationale de discipline a été créée.  Ces manquements pourront constituer une faute disciplinaire et à ce titre être sanctionné par la commission nationale de discipline en vertu de l’article L. 1442-13 du Code du travail.

L’article L. 1442-13-3 du Code du travail précise dans un premier temps que le conseiller mis en cause doit être auditionné par le premier président de la Cour d’appel. Ce dernier, ou le ministre de la justice pourra ensuite saisir la commission de discipline.

Cette commission est présidée par un président de chambre de la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour de cassation, et est composée d’un membre du Conseil d’Etat, un magistrat ou une magistrate du siège des cours d’appel et de conseillers prud’hommes, actuels ou anciens, dont 2 salariés et 2 employeurs et autant de suppléants.

Les membres de la commission de discipline sont en principe désignés pour 3 ans selon l’article L. 1442-13-2 du Code du travail.

L’article L. 1442-14 du Code du travail dispose que la commission pourra alors prononcer par une décision motivée les sanctions disciplinaires suivantes :

  • Un blâme ;
  • Une suspension pour une durée maximale de 6 mois. Cette suspension est renouvelable une fois par la commission en cas de faute disciplinaire. Et si des poursuites pénales sont en cours, la suspension pourra être ordonnée jusqu’à l’intervention de la décision pénale définitive ;
  • La déchéance assortie d’une interdiction temporaire, pouvant aller jusqu’à 10 ans, ou définitive d’exercer les fonctions de conseillers prud’hommes.

En dehors de toute action disciplinaire, les premiers présidents de cour d’appel peuvent également rappeler les conseillers prud’hommes à leurs obligations s’ils sont situés dans le ressort de leur cour (cf : article  L. 1442-13-1 du Code du travail).