L'un des grands chantiers annoncés de ce printemps 2018 est la réforme de la formation professionnelle, dont la réglementation actuelle est jugée trop complexe.
Le 22 février 2018, les partenaires sociaux, à l’exception de la CGT, ont conclu un accord national interprofessionnel (ANI) dit « pour l’accompagnement des évolutions professionnelles, l’investissement dans les compétences et le développement de l’alternance ».
Le 5 mars 2018, la Ministre du Travail, Muriel Pénicaud, a présenté les principes directeurs de sa future réforme visant à transformer en profondeur le système de la formation professionnelle en France. Comme elle l’avait annoncé, la réforme voulue par le gouvernement va beaucoup plus loin que l’accord élaboré par les partenaires sociaux le 22 février dernier.
Le paysage de la formation professionnelle va être bouleversé d’ici à 2020, et ce au regard d’un triple enjeu :
- investir massivement dans la formation et les compétences ;
- donner à chacun la liberté de choisir son avenir professionnel et la capacité de construire son parcours ;
- protéger les plus vulnérables contre le manque ou l’obsolescence rapide des compétences.
Valorisation du CPF en euros et non plus en heures, cotisation unique prélevée par l’URSSAF, nouveau système de gouvernance, création d’une application mobile CPF… plusieurs mesures concrètes pour donner plus de "lisibilité" au système de formation professionnelle sont annoncées.
La prochaine étape de la réforme est la présentation en Conseil des ministres, vraisemblablement lors de la deuxième quinzaine d’avril, d’un projet de loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel” qui intégrera, outre la réforme de la formation professionnelle, deux autres grands volets consacrés à l’apprentissage et à l’assurance chômage.
Zoom sur les grands axes de la réforme de la formation professionnelle présentés par la Ministre du Travail.
1/ MONETISATION DU CPF
Malgré le souhait des partenaires sociaux de maintenir une alimentation du compte personnel de formation en heures, la nouvelle unité du compte sera l’euro, jugé “plus concret et lisible” par la Ministre du travail.
Chaque salarié verra son compte personnel de formation (CPF) crédité de 500 € par an dans la limite d’un plafond de 5 000 € au bout de 10 ans.
Pour les salariés non qualifiés (niveau de diplôme inférieur au CAP-BEP), ce crédit sera majoré (800 € par an plafonné à 8 000 €) afin de pouvoir changer rapidement de catégorie professionnelle et d'évoluer professionnellement.
Pour les salariés en CDD, leur compte sera crédité au prorata de la durée du contrat.
Les salariés à temps partiel, travaillant à mi-temps ou plus (17.5 heures par semaine minimum), bénéficieront des mêmes droits que les salariés à temps plein.
Les entreprises pourront également abonder le CPF des salariés, soit à titre individuel, soit dans le cadre d’accord collectif de co-investissement.
Ce changement pourrait avoir lieu dès le 1er janvier 2019, si l’on s’en tient au calendrier fixé par les partenaires sociaux.
2/ SIMPLIFICATION DU PLAN DE FORMATION
Le plan de formation de l'entreprise serait simplifié conformément aux souhaits des partenaires sociaux.
Les entreprises n'auront plus la contrainte de construire leur plan de formation en faisant la distinction entre :
- les actions d'adaptation au poste de travail ou liées à l'évolution ou au maintien dans l'emploi dans l'entreprise ;
- les actions de développement des compétences ;
- les périodes de professionnalisation.
Toutes ces catégories seront supprimées.
Attention toutefois, il convient de noter que l’obligation de l’employeur d’assurer l’adaptation des salariés à leur poste de travail et de veiller au maintien de leur employabilité demeure.
3/ REMPLACEMENT DU CONGE INDIVIDUEL DE FORMATION (CIF) PAR UN CPF DE TRANSITION POUR LES FORMATIONS LONGUES
Conformément à l’accord signé par les partenaires sociaux, pour les salariés qui ont un projet de formation longue mais ne disposent pas des crédits suffisants sur leur compte pour le financer, un système d’abondement sera mis en place après validation d’une commission paritaire.
Ce projet sera précédé obligatoirement d’une prestation de positionnement personnalisé pour adapter la durée de la formation aux besoins de l’individu.
Les abondements de l’entreprise sur le CPF de leurs salariés seront favorisés par la négociation d’accords collectifs portant notamment sur la qualité de vie au travail.
4/ PAIEMENT D’UNE COTISATION « FORMATION PROFESSIONNELLE » UNIQUE…
Par souci de simplification, le Gouvernement prévoit que les entreprises n’auront plus à payer qu’une seule cotisation, la cotisation formation professionnelle. Cette cotisation unique regroupera à taux constant les deux cotisations existantes aujourd’hui pour financer la formation à savoir la contribution 1% formation et la taxe d’apprentissage.
Le principe d’une cotisation unique à la formation professionnelle proposé par les partenaires sociaux est, en effet, repris par le gouvernement, avec des taux fixés à 1,23 % de la masse salariale pour les entreprises de moins de 11 salariés et à 1,68 % de la masse salariale pour les entreprises de 11 salariés et plus.
5/ … COLLECTEE PAR LES URSSAF
Toujours dans un souci de simplification, la contribution formation sera à l’avenir automatiquement collectée par les URSSAF et non plus par les OPCA (Organismes paritaires collecteurs agréés).
Les entreprises ne seront donc plus sollicitées par plusieurs organismes pour s’acquitter de leur contribution formation et de leur taxe d’apprentissage. Elles n’auront plus aucune démarche administrative particulière à effectuer en matière de cotisation formation.
L’URSSAF redistribuera ensuite cette cotisation aux acteurs concernés (opérateurs de compétences ou caisse des dépôts et consignations).
Les OPCA seraient remplacés par des « opérateurs de compétences », au 1er janvier 2020.
Organisés par filières professionnelle et non plus par branche et gérés paritairement, ils auront pour missions d'anticiper la transformation des métiers, d’appuyer les entreprises et les branches en matière de Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences (GPEC), de financer les centres de formation d’apprentis (CFA), aider à la définition du plan de formation des TPE et PME et d’appuyer les branches dans la co-construction des diplômes.
6/ REFORME DE LA GOUVERNANCE EN UNE AGENCE NATIONALE UNIQUE
La gouvernance nationale paritaire de la formation sera profondément réformée.
Les instances actuelles à savoir le FPSPP (Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels), le Cnefop (Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles) et le Copanef (Comité paritaire national de l’emploi et de la formation professionnelle), seraient regroupées en une agence nationale unique, dénommée France Compétences.
Cette agence serait chargée de :
- réguler le prix des formations ;
- veiller à la qualité des formations en définissant le cahier des charges de l’accréditation et de la certification des organismes de formation (certification qui deviendra nécessaire pour bénéficier de fonds publics ou paritaires) ;
- assurer la répartition égalitaire des contributions au niveau interprofessionnel en matière d’alternance et de formation des petites et moyennes entreprises.
Elle sera composée de trois collèges : Etat, partenaires sociaux, régions.
7/ CREATION D’UNE SOLIDARITE FINANCIERE DES GRANDES ENTREPRISES AU PROFIT DES TPE/PME
Toutes les entreprises cotiseront pour financer le plan de formation des TPE et des PME (de moins de 50 salariés), dans le cadre d’un système de mutualisation financière et d’une plus grande solidarité des grandes entreprises vers les TPE/PME.
Environ 0,1 % de la masse salariale devrait être prélevé sur la collecte globale et mutualisé pour financer le plan de formation des entreprises de moins de 50 salariés.
8/ ELARGISSEMENT DE LA DEFINITION DE L’« ACTION DE FORMATION » POUR ENCOURAGER L’INNOVATION PEDAGOGIQUE
La définition de l’action de formation sera élargie afin d’y inclure les modes de formations innovantes, telles que les Moocs, la modularisation, le digital learning, et la formation en situation de travail (FEST).
Parallèlement, le Gouvernement souhaite proposer aux demandeurs d’emploi qui le souhaitent des modules de remise à niveau sur les compétences de base et les savoirs numériques.
9/ CREATION D’UNE APPLICATION MOBILE CPF
Une application mobile CPF sera créée afin de rendre la formation professionnelle plus accessible pour les salariés et demandeurs d’emploi.
Le dossier de presse du Ministère du Travail, publié le 5 mars 2018, indique que cette application permettra :
- de connaître les droits acquis sur son compte, les différentes formations certifiantes proposées dans son bassin d’emploi ou sa région et les dates de session des différentes formations ;
- de s’inscrire à la formation et la payer directement, sans appel à un intermédiaire et sans validation administrative. L’organisme de formation sera directement payé par la Caisse des dépôts et consignations ;
- de choisir sa formation en connaissant le taux d’insertion dans l’emploi à l’issue de la formation, le salaire prévisionnel à l’embauche et la différence de coût entre des formations similaires ;
- de choisir sa formation en fonction des commentaires laissés par les anciens salariés et demandeurs d’emploi formés.
10/ MISE EN PLACE D’UN CONSEIL EN EVOLUTION PROFESSIONNELLE
Un conseil en évolution professionnelle (CEP) serait mis en place au niveau national afin d’accompagner les salariés dans leurs projets d’évolution professionnelle, conformément à l’accord signé par les partenaires sociaux.
Il aura notamment pour objectifs :
- d'évaluer les compétences du salarié ;
- l'aider à définir son projet professionnel ;
- lui proposer les différentes formations disponibles.
Au niveau régional ensuite, un opérateur du conseil en évolution professionnelle serait sélectionné par appel d’offres, selon un cahier des charges co-construit entre l’État, les partenaires sociaux et les Régions, et bénéficiant d’un financement dédié.