POINT SUR L’ENTREE EN VIGUEUR PROGRESSIVE DE LA LOI DU 24 DECEMBRE 2021 VISANT A ACCELERER L’EGALITE ECONOMIQUE ET PROFESSIONNELLE EN DROIT DU TRAVAIL

La  loi nº 2021-1774 du 24 décembre 2021 visant à accélérer l’égalité économique et professionnelle (dite loi Rixain), a été publiée au Journal Officiel le 26 décembre 2021. Cette loi vise notamment à résorber les inégalités professionnelles persistantes entre les femmes et les hommes au sein de l’entreprise.

Pour y parvenir, plusieurs mesures sont mises en places, parmi lesquelles l’instauration d’une proportion minimale de répartition entre les sexes au sein des postes dirigeants pour les entreprises de plus de 1.000 salariés, le renforcement de l’obligation de publication de l’index de l’égalité entre les sexes, ainsi que l’intégration de nouvelles informations obligatoires au sein de la nouvellement nommée base de données économiques, sociales et environnementales (BDESE) depuis la loi Climat et Résilience du 22 août 2021 (pour aller voir notre article sur les apports de cette loi, cliquez ici).

Les premières dispositions de cette loi entrant en vigueur dès le 1er mars 2022, il nous a donc apparu intéressant de faire un point sur celles-ci.

Une obligation de publication de l’index de l’égalité femmes-hommes renforcée

Une obligation de publication élargie à l'ensemble des indicateurs constitutifs de l’index

Pour rappel, l’index de l’égalité femmes-hommes, créé par la loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel, est obligatoire dans les entreprises d’au moins 50 salariés. Cet outil permet d’évaluer les inégalités entre les femmes et hommes dans les entreprises sous la forme d'une note sur 100 sur la base de plusieurs grands indicateurs qui sont (C. trav., art. D. 1142-2 et D. 1142-2-1) :

  • l’écart de rémunération entre les femmes et les hommes,
  • l’écart de répartition des augmentations individuelles,
  • la parité parmi les 10 plus hautes rémunérations et le nombre de salariées augmentées à leur retour de congé de maternité.
  • outre les indicateurs précités, les entreprises de plus de 250 salariés intègrent, par ailleurs, l’écart de répartition des promotions.

Auparavant, dans les entreprises d’au moins 50 salariés, l’obligation de publication qui doit être réalisée annuellement (avant le 1er mars N au titre de l’année N-1), ne concernait que la note globale obtenue au titre des différents indicateurs de l’index mentionnés aux articles D. 1142-2 et D. 1142-2-1 du Code du travail (C. trav., art. D. 1142-4).

Désormais,  les employeurs d’au moins 50 salariés doivent rendre public à compter du 1er mars 2022 et chaque année l'ensemble des indicateurs constitutifs de l’index de l’égalité entre les femmes et les hommes sur le site internet du Ministère du Travail, dans des conditions qui seront fixées par décret(C. trav., art. L. 1142-8, nouv., art. 13 de la loi).

La loi précise qu’à compter du 1er mars 2023, l’octroi de financements en prêts ou en fonds propre par Bpifrance aux entreprises d’au moins 50 salariés sera conditionné au respect de cette obligation de publication annuelle des indicateurs de l’index de l’égalité hommes/femmes.

Des nouvelles obligations en cas de note insuffisante obtenue à l’index

  • Une nouvelle obligation de fixation et de publication d’objectifs de progression

Dans l’hypothèse d’une note insuffisante obtenue l’index (moins de 75 sur 100), l’employeur devra, dès la publication devant être réalisée le 1er mars 2022 au plus tard, fixer et publier les objectifs de progression pour chacun de indicateurs de l’index, dans des conditions devant faire l’objet d’un décret à paraître (C. trav., art. L1142-9-1, art. 13 de la loi).

  • Une nouvelle obligation de publication des mesures de correction en interne et en externe

L’employeur devra également, dans le même délai, publier les mesures de correction des inégalités décidées en cas de note insuffisante (moins de 75 sur 100), par une communication externe et au sein de l'entreprise (C. trav., art. L. 1142-9, al. 2 nouv.).

Une BDESE enrichie par de nouvelles données en matière d’égalité professionnelle

La BDESE a pour objet de rassembler l'ensemble des informations nécessaires aux consultations et informations récurrentes du CSE, que l'employeur met à sa disposition (C. trav., art. L. 2312-18).

Dans sa version antérieure à la loi du 24 décembre 2021, l’article L. 2312-18 du Code du travail prévoyait que la BDESE devait comporter  « en particulier des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération ».

Désormais, l’article L. 2312-18 nouveau du Code du travail prévoit que les informations de la BDESE doivent comporter « l'ensemble  des indicateurs relatifs à l'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes, notamment sur les écarts de rémunération et de répartition entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes » (cf infra) (art. 13 et 14 de la loi).

La création d’un nouveau thème obligatoire pour l’accord ou la charte relative au télétravail

Le Code du travail prévoit que l’instauration du télétravail dans une entreprise doit s'effectuer dans le cadre d'un accord collectif ou, à défaut, d'une charte de l'employeur soumise à l'avis du CSE (C. trav., art. L1222-9).

Dorénavant, l’accord collectif ou, à défaut, la charte élaborée par l’employeur doit aborder un nouveau thème obligatoire, à savoir les modalités d’accès des salariées enceintes à une organisation en télétravail (C. trav., art. L1222-9, I, 6° nouv., art. 5 de la loi).

L’obligation de versement du salaire et des prestations sociales sur un compte dont le bénéficiaire est nécessairement titulaire ou cotitulaire

Afin de « lutter contre la dépendance  et la violence économiques au sein du couple », la loi du 24 décembre 2021 instaure de nouvelles modalités de versement du salaire et des prestations sociales :

S’agissant du salaire, à compter du 27 décembre 2022, lorsque le salaire est payé par virement, il devra obligatoirement être versé sur un compte bancaire ou postal dont le salarié concerné est le titulaire ou cotitulaire (C.trav., art. L3241-1, al. 1er à venir, art. 1er de la loi).

Ainsi, l’employeur qui procède au paiement du salaire par virement  ne pourra plus le verser sur un compte bancaire ou postal qui n’est pas au nom du salarié. Ce faisant, le salarié ne pourra pas non plus désigner un tiers pour recevoir son salaire (C.trav., art. L3241-1, al. 1er à venir, art. 1er de la loi).

S’agissant des prestation sociales, à compter du 27 décembre 2022, elles devront obligatoirement être versées sur un compte bancaire ou postal dont le bénéficiaire est titulaire ou cotitulaire, sans préjudice des situations de subrogation de l’employeur dans les droits de son salarié (art. 3 de la loi).

En revanche, pour les bénéficiaires non titulaires d’un compte bancaire ou postal, les prestations sociales pourront toujours être versées selon d’autres moyens que le virement.

De nouvelles obligations visant à renforcer l’accès des femmes aux postes dirigeants dans les entreprises de plus de 1000 salariés sur 3 exercices consécutifs

L’évaluation des écarts de représentation entre les sexes aux postes dirigeants

A partir du 1er mars 2022, dans les entreprises qui emploient au moins 1000 salariés pour le troisième exercice consécutif, l’employeur devra publier chaque année les écarts de représentation entre les femmes et les hommes  parmi les cadres dirigeants et les membres des instances dirigeantes  (C. trav., art. L. 1142-11, al. 1 à venir, art. 14, I de la loi).

Pour mémoire, le Code du travail définit les cadres dirigeant comme « les salariés cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l’importance implique une grande indépendance dans l’organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement » (C. trav., art. L. 3111-2). Les critères ainsi définis sont cumulatifs (Soc. 13 janv. 2009, n° 06-46208).

Les instances dirigeantes, quant à elles, sont définies par la loi Rixain à l’article L. 23-12-1 nouveau du Code de commerce comme « toute instance mise en place au sein de la société par tout acte ou toute pratique sociétaire aux fins d’assister régulièrement les organes chargés de la direction générale dans l’exercice de leurs missions » (art. 14 de la loi).

Les informations sur ces écarts de répartition entre les femmes et les hommes parmi les cadres dirigeants et membres des instances dirigeantes devront être versées dans la BDESE.

La publication des résultats sur le site du Ministère du Travail

A compter du 1er mars 2023, les écarts de représentations seront rendus publics sur le site du ministère du Travail, dans des conditions qui seront définies par un décret à paraître (C. trav., art. L. 1142-11, al. 2 à venir, art. 14 de la loi).

L’instauration d’une proportion minimale de chaque sexe à atteindre au sein des postes dirigeants

Toujours dans les entreprises qui emploient au moins 1000 salariés pour le troisième exercice consécutif :

  • Au 1er mars 2026, la proportion de femmes et d’hommes parmi les cadres dirigeants , d’une part, et parmi les cadres membres des instances dirigeantes  d’autre part, devra être au moins de 30 %  (C. trav., art. L. 1142-11, al. 3 à venir, art. 14 de la loi).
  • Au 1er mars 2029, cette proportion minimale sera portée à 40 % (C. trav., art. L. 1142-11, al. 3 à venir, art. 14 de la loi).

Une négociation obligatoire en cas de non-respect des quotas imposés

Si aux dates butoirs, la proportion minimale de personnes de chaque sexe au sein des postes dirigeants n’est pas atteinte dans les entreprises concernées, la négociation obligatoire d’entreprise sur l’égalité professionnelle prévue à l’article L2242-1 du Code du travail devra également porter  sur les mesures adéquates et pertinentes de correction de cette proportion (C. trav, art. L1142-13 à venir, art. 14 de la loi).

En l’absence d’accord prévoyant ces mesures, celles-ci devront être déterminées par décision unilatérale de l’employeur, après consultation du CSE.

L’employeur devra ensuite déposer cette décision auprès de l’autorité administrative, au moyen de la plateforme du ministère du Travail (TéléAccords).

L’administration pourra alors présenter ses observations sur les mesures prévues. Lesdites observations devront à leur tour être présentées à l’organe chargé de l’administration ou de la surveillance de l’entreprise ainsi qu’au CSE (C. trav., art. L. 1142-13 à venir, art. 14 de la loi).

Une obligation de mise en conformité dans un délai de 2 ans sous peine de sanctions

À partir du 1er mars 2029, si la proportion de 40 % n’est pas respectée par les entreprises employant au moins 1 000 salariés pour le troisième exercice consécutif, celles-ci auront deux ans pour se mettre en conformité.

Au bout d’un an, les entreprises soumises à cette obligation devront publier des objectifs de progression et les mesures de correction retenues, dans des conditions qui seront prévues par décret (C. trav., art. L. 1142-12, al. 1 à venir , art. 14 de la loi).

A l’expiration du délai de 2 ans, si la proportion des 40% n’est toujours pas atteinte, l’employeur encourt une pénalité financière prononcée par l’administration, fixée au maximum à 1% de la masse salariale de l’année civile précédant l’expiration du délai (C. trav., art. L. 1142-12, al. 3 à venir, art. 14 de la loi).

Le montant de la pénalité sera déterminé en fonction de la situation initiale de l’entreprise, des efforts constatés dans l’entreprise pour corriger les inégalités en matière de représentation des sexes ainsi que des motifs de sa défaillance dans le respect des proportions imposées.