INFRACTION ROUTIÈRE COMMISE PAR UN SALARIÉ : QUELLES CONSÉQUENCES POUR L’EMPLOYEUR ?

De très nombreuses activités professionnelles impliquent la conduite fréquente voire quotidienne de véhicules professionnels par les salariés. 

Peut alors se poser la problématique d’un avis de contravention reçu par l’entreprise, titulaire du certificat d’immatriculation du véhicule, en raison d’une infraction commise par un conducteur salarié.

 Quelles sont les conséquences lorsque le salarié conducteur commet une infraction routière avec le véhicule de l’entreprise ? 

La loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIème siècle a opéré un changement important en matière de répression des infractions constatées par un appareil automatique et commises par un salarié avec un véhicule professionnel. 

En effet, depuis le 1er janvier 2017, les employeurs ont l’obligation de communiquer aux services de police ou de gendarmerie l'identité du salarié ayant commis une infraction au code de la route au moyen d'un véhicule de l'entreprise. 

Par cette mesure, le législateur poursuit un double objectif de sécurité routière et de responsabilisation des conducteurs salariés. 

Tour d'horizon des conséquences pour le chef d’entreprise au regard des deux volets de l’infraction routière : la perte de points sur le permis de conduire et le paiement de l’amende.  

En effet, l’employeur ayant désormais l’obligation de divulguer l’identité du salarié conducteur et auteur de l’infraction, il sera de plus en plus rare qu’il règle le paiement de l’amende afférente.

 

L’OBLIGATION POUR L’EMPLOYEUR DE DÉNONCER LE SALARIÉ VERBALISÉ AU VOLANT D’UN VÉHICULE DE L’ENTREPRISE

 

La loi du 18 novembre 2016 a rendu obligatoire pour l’employeur, à compter du 1er janvier 2017, la dénonciation de son salarié auteur d’une infraction routière au volant d’un véhicule appartenant à la société.

Auparavant, il était permis et fréquent de ne pas indiquer le nom du conducteur salarié, auteur de l’infraction, afin d’éviter à ce dernier de perdre des points sur son permis de conduire.

En effet, si le salarié n’avait pas été intercepté directement par les forces de police ou de gendarmerie,  le procès-verbal de contravention était envoyé directement à la société titulaire de la carte grise qui réglait alors l’amende.

Ce mécanisme menait à une impunité des infractions routières puisque ni le salarié conducteur ni la société titulaire de la carte grise ne subissait de retrait de points.

Depuis le 1er janvier 2017, il n’est plus possible pour l’employeur de dissimuler l’identité du salarié auteur de l’infraction. Il doit nécessairement dénoncer ce dernier conformément à l’article L.121-6 du Code de la route crée par la loi du 18 novembre 2016.

 

QUELLES INFRACTIONS DOIVENT ÊTRE DENONCÉES PAR L’EMPLOYEUR ?

L’obligation de dénonciation à la charge de l’employeur porte sur 12 infractions routières énumérées limitativement à l’article R 130-11 du Code de la Route, crée par le décret n°2016-1955 du 28 décembre 2016.

Sont visées les constatations par / ou à partir des appareils de contrôle automatique ayant fait l’objet d’une homologation relatives aux infractions sur :

1° Le port d'une ceinture de sécurité homologuée ;

2° L'usage du téléphone tenu en main ;

3° L'usage de voies et chaussées réservées à certaines catégories de véhicules ;

4° La circulation sur les bandes d'arrêt d'urgence ;

5° Le respect des distances de sécurité entre les véhicules ;

6° Le franchissement et le chevauchement des lignes continues ;

7° Les signalisations imposant l'arrêt des véhicules ;

8° Les vitesses maximales autorisées ;

9° Le dépassement non autorisé ;

10° L'engagement dans l'espace compris entre les deux lignes d'arrêt ;

11° L'obligation du port d'un casque homologué d'une motocyclette, d'un tricycle à moteur, d'un quadricycle à moteur ou d'un cyclomoteur ;

12° L'obligation, pour faire circuler un véhicule terrestre à moteur, d'être couvert par une assurance garantissant la responsabilité civile.

Pour les autres infractions, l’obligation de révéler l’identité du conducteur ne s’imposera pas à l’employeur.

 

COMMENT S’EFFECTUE LA DÉNONCIATION DU SALARIÉ EN PRATIQUE ?

 

LE CONTENU DE LA DÉNONCIATION

Lorsqu’une infraction est commise avec un véhicule dont le titulaire du certificat d’immatriculation est une personne morale ou qui est détenu par une personne morale, le représentant légal de cette personne morale doit divulguer à l’autorité mentionnée sur l’avis de contravention :

  • L’identité de la personne physique conductrice du véhicule
  • L’adresse du conducteur

Le salarié auteur de l’infraction ne pourra donc plus échapper au retrait de points sur son permis de conduire, ce qui peut avoir des répercussions sur son emploi lorsque la détention du permis est une condition nécessaire à l’exécution de son travail.

 

LES MODALITÉS DE LA DÉNONCIATION

Lorsqu’une infraction est commise avec un véhicule de l’entreprise, l’employeur doit dénoncer le salarié conducteur selon l’une des modalités suivantes :

  • Soit en envoyant par lettre recommandée avec demande d’avis de réception le formulaire papier joint à l’avis de contravention 
  • Soit en remplissant de façon dématérialisée le formulaire en ligne disponible sur le site de l’Agence Nationale de traitement automatisé des infractions (http:\\www.antai.fr) mentionné sur l’avis de contravention

En ce qui concerne le délai de la dénonciation, cette dernière doit être effectuée dans les 45 jours à compter de l’envoi ou de la remise de l’avis de contravention.

 

LES EXCEPTIONS À L’OBLIGATION DE DÉNONCIATION

L’employeur peut-il s’exonérer de son obligation de dénoncer le salarié conducteur ?

La loi prévoit 3 cas limitatifs d’exonération pour le chef d’entreprise.

En effet, l’employeur n’aura pas à indiquer l’identité et l’adresse du salarié conducteur s’il établit l’existence :

  • d’un vol
  • d’une usurpation de plaque d’immatriculation
  • de tout autre événement de force majeure

L’arrêté du 15 décembre 2016 indique à cet effet que l’employeur doit joindre à l’envoi, selon les cas :

  • la copie du récépissé du dépôt de plainte pour vol ou de destruction du véhicule
  • la copie de la déclaration de destruction de véhicule établie conformément aux dispositions du présent code, ou les copies de la déclaration de cession du véhicule et de son accusé d'enregistrement dans le système d'immatriculation des véhicules pour le délit d'usurpation de plaque d'immatriculation prévu par l'article L. 317-4-1,
  • une déclaration motivée expliquant tout autre événement de force majeure, accompagnée le cas échéant de documents justificatifs.

Il est à noter que les critères classiques de la force majeure – extériorité, imprévisibilité et irrésistibilité - sont extrêmement difficiles à remplir.

 

LA SANCTION DU MANQUEMENT À L’OBLIGATION DE DÉNONCIATION

Quelles sont les conséquences d’une non-dénonciation du salarié conducteur par le chef d’entreprise ?

Le chef d’entreprise qui ne dénonce pas le salarié conducteur auteur d’une infraction routière engage sa responsabilité pénale puisqu’il s’expose à une amende prévue pour les contraventions de la quatrième classe soit une somme de 750 euros au maximum (Article 131-13 du Code Pénal).

A noter que l’amende pénale s'applique directement au dirigeant (personne physique) et ne peut pas être prise en charge par l'entreprise.

On ne peut donc que conseiller fortement aux entreprises de mettre rapidement en place des moyens efficaces d'identification des conducteurs de ses véhicules. À titre d’exemple, lorsqu’un même véhicule est affecté à plusieurs salariés, il serait opportun de tenir un carnet de bord indiquant l’identité du salarié conducteur pour chaque créneau horaire.

 

L’ABSENCE D’OBLIGATION POUR L’EMPLOYEUR DE PRENDRE EN CHARGE L’AMENDE DU SALARIÉ VERBALISÉ

 

Au-delà de la question du retrait de points, se pose celle du règlement de l’amende.

Qui doit payer l’amende ?

Par principe, c’est le salarié conducteur d’un véhicule appartenant à l’entreprise qui est seul responsable sur le plan pécuniaire. 

Toutefois, il est possible que le règlement de l’amende soit assumé par l’employeur.

En effet, lorsque le conducteur a agi en qualité de préposé, le tribunal pourra, compte tenu des circonstances de fait et des conditions de travail de l'intéressé, décider que le paiement des amendes de police prononcées en vertu du présent code sera, en totalité ou en partie, à la charge du commettant (l’employeur) si celui-ci a été cité à l'audience (C. Route, L121-1 al. 2).

Au-delà de cette hypothèse de décision judiciaire, l’employeur pourrait décider de son propre chef de prendre en charge les amendes dont ses salariés sont redevables au titre de contraventions routières.

Il s’agirait toutefois d’un choix très onéreux pour l’entreprise car la jurisprudence a rappelé très récemment que cette prise en charge est soumise à cotisations sociales car assimilable à un salaire (Cass. Civ. II 9 mars 2017, n° 15-27538).

L’entreprise devra alors être extrêmement vigilante sous peine de s’exposer à un redressement en cas de contrôle de l’URSSAF.

De plus, il convient également de mettre en garde l’employeur qui déciderait de prendre en charge le coût de l’amende avant d’en obtenir le remboursement en précomptant directement ce montant sur le salaire du conducteur ; une telle pratique pouvant constituer une sanction pécuniaire prohibée au sens de l’article L.1331-2 du Code du travail.

Pour conclure, il est primordial que les chefs d’entreprise mettent en place une politique de prévention routière et de sensibilisation des salariés au respect des règles de sécurité routière. Ces dernières peuvent même être intégrées dans le règlement intérieur de l’entreprise.

Cela est d’autant plus important que le chef d’entreprise peut engager sa responsabilité pour manquement à son obligation de sécurité de résultat lorsque le salarié peut démontrer que c’est l’organisation du travail qui l’a conduit à violer le Code de la route (et notamment à dépasser les limitations de vitesses).